vendredi 6 février 2009

belle promenade sur les affleurements

« Est-ce bien moi qui ai fait ce que j’ai fait ? Peut-être s’achève ici la vie d’un autre. Un autre sans chair, un autre aveugle et glacé, paquet de connexions calculateurs, petit amas d’humeur chagrine acharné à être. »
 
Pierre Jourde, Dans mon chien, PARC édition, 2002.
 
J’ai fini Dans mon chien.
« Dans mon chien », c’est là (ou plutôt c’est de là, depuis là) que se passe ce récit évidemment peu banal que je ne raconterai pas, n’expliquerai pas ; puisque au fond (d’) ici je ne parle que de moi. Moi on ne sait jamais bien ce que c’est, dans mon chien non plus on ne le sait pas, forcément, on le sait encore moins ; dès lors qu’il nous dévore.
Avant de lire Dans mon chien j’avais (j’ai toujours) dans mon dos deux dos jumeaux que je sentais un peu ironiques (dans mon dos sont les rayons de la bibliothèque). Ironie de la gémellité car rares sont les livres d’un même auteur, publiés par le même éditeur, qui au moins en surface se ressemblent aussi peu que L’heure et l’ombre (L’Esprit des Péninsules 2006) et La Cantatrice avariée (paru en 2008 chez le même éditeur). Quant à Pays perdu, lu encore avant, c’est encore vraiment autre chose. Bien sûr on peut dire que ce sont des genres, ou des sujets différents. On n’aura pas dit grand-chose (qu’on ne compte pas non plus sur moi pour dire grand-chose).
Il y a, peut-être, des auteurs qui ne changent que quelques mots par livre – et ces variations sont très belles. Il y en a aussi peut-être qui, jamais, ne sont le même.
Dans mon chien, tout de même, me renvoie à la Cantatrice avariée. Même si ce roman, dernier en date, assume a priori davantage le genre en (se) jouant (de) l’intrigue ; les affinités sont manifestes. Il y a là quelque chose, sans doute, quelque chose de défait, d’épars qui tient à cœur à l’auteur, j’imagine. Un flottement des contours. Un sentiment aigu du disparate. D’où, peut-être, ce désir d’apparente disparité dans l’œuvre entière. Je dis peut-être des bêtises : je me contente d’imaginer ; je n’ai pas lu tout Pierre Jourde. Et d’ailleurs, même si j’avais « tout » lu, je n’aurais pas tout lu. Et qui plus est : il n’a pas tout écrit. Et il ne proposera à la lecture que ce qu’il jugera possible. Mais il est peut-être moins « tout » qu’un autre.
Des strates, des veines, la plupart du temps invisibles parcourent le sol du domaine. Belle promenade sur les affleurements.



Commentaires

Et d’ailleurs, même si j’avais « tout » lu, je n’aurais pas tout lu. Et qui plus est : il n’a pas tout écrit.Belle vérité essentielle. C'est bien de laisser les portes ouvertes, les nôtres et celle de l'auteur.
Commentaire n°1 posté par pascale le 06/02/2009 à 14h27
J'aime les perspectives.
Commentaire n°2 posté par PhA le 06/02/2009 à 18h44
Vous êtes un des rares lecteurs de ce livre, et votre lecture témoigne, je crois, d'un sentiment littéraire très juste dans les rapprochements que vous opérez. Je suis heureux d'être lu de cette manière.

Pierre Jourde
Commentaire n°3 posté par pierre jourde le 03/03/2009 à 17h14
Et moi je suis heureux d'avoir, peut-être, senti quelque chose. C'est aussi, peut-être encore, parce qu'un peu égoïstement votre apparente disparité me fait signe.
Commentaire n°4 posté par PhA le 03/03/2009 à 17h31

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