samedi 28 novembre 2009

manière de sortir du cercle (& d’y rentrer)

Un an a passé : la fusée Tor-Ups a fait le tour de la Terre, un beau cercle où Pascale Petit nous a montré comment entrer, et d’où aujourd’hui elle nous indique la sortie. (En d’autres termes : c’était aujourd’hui que se clôturait sa résidence.) Pour en sortir : suivre le Roi, la Reine ou le Coiffeur1, dont on a cru perdre la trace. C’est qu’ils nous devancent, ils sont déjà loin de Rambouillet, la preuve : l’objectif toujours ouvert de Dominique Hasselmann – qui n’était pas du tout au courant de l’évasion ! – les a surpris par hasard qui prenaient le métro station Arts & Métiers, regardez-les dans le cercle ci-dessous qui nous montrent le chemin.
 
1 : (Les plus jeunes savent qu’ils s’appellent en réalité Tom Premier, Eléonore et Monsieur de Merveilleux.)




Commentaires

ah oui, quelle tristesse que le tour d'une année se fasse si vite...
Commentaire n°1 posté par petite racine le 28/11/2009 à 22h19
Oui, mais regardez par le hublot : ils sont repartis pour un tour !
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 10h09
frustration d'arriver sur le rideau fermé, mais sourires multiples en lisant les commentaires
Commentaire n°2 posté par cjeanney le 29/11/2009 à 10h04
Et vous pouvez encore vous glisser derrière le rideau !
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 10h10
Dernière page de Tom Premier : "Lumière très diffuse sur le tableau : au milieu d'une ligne d'horizon tracée très haut, délimitant à peine le ciel et la terre d'un paysage obscur, on peut voir... un point lumineux...
Un tout petit point lumineux."
Merci encore à toi Philippe - pour ce point lumineux.
Commentaire n°3 posté par tor-ups le 29/11/2009 à 10h20
Merci à toi, Pascale. Ton esperluette va nous manquer !
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 10h30
Philippe!!!!
Commentaire n°4 posté par tor-ups le 29/11/2009 à 10h33
Pascale !!!!!
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 11h47
Rine n'est petit dans les Arts & métiers quand la conscience y préside.
Merci encore pour ces ouvertures...
Commentaire n°5 posté par Dominique Hasselmann le 29/11/2009 à 10h57
Rien n'est petit - sauf le monde !
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 11h47
Comme je suis ému aussi! Et comme je vous remercie, Monsieur, de me donner la parole! Tor-Ups en effet a été, restera, un grand succès. Succès auquel je ne crois pas, en toute modestie, être tout à fait étranger. En effet, mon grand âge, l'étendue de ma culture, m'ont permis lorsqu'il le fallait, c'est à dire fréquemment, de ramener le débat en son centre, d'aider à cerner le sujet et à s'y tenir. Tout ceci ne fut pas sans efforts tant ces textes merveilleux déchaînaient les réactions les plus folles, réveillaient les fantasmes les plus enfuouis... Bref, l'on ne m'y reprendra plus. (Mon ami de Soursseusure y a laissé le peu de raison qu'il avait encore.)
Commentaire n°6 posté par Monsieur de Vieillecoque le 29/11/2009 à 11h27
Quel plaisir d'accueillir votre Vieillecoque derrière mes hublots !
(Et ces nouvelles inquiétantes, vous les tenez de Soursseusure ?)
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 11h50
Ciel!!! Je suis, moi en personne, dans vos "laminaires variées"!! Oh, eh ben ça!!! (J'allais vous dire, cher Philippe, que, la connaissant aussi bien que moi, vous savez ce qu'il advient lorsqu'on la complimente au-delà du raisonnable : elle ne reconnait plus ses enfants, leur signe des autographes, prend son époux pour le jardinier, etc.)
Commentaire n°7 posté par Depluloin le 29/11/2009 à 11h55
Oui, vous voilà épinglé : va falloir vous montrer à la hauteur !
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 12h42
C'est bien ce à quoi je pensais! Je n'ai jamais travaillé dans le Luminaires mais j'apprends vite! (S'agissant d'un négoce, le pluriel est, je crois, de rigueur.)
Commentaire n°8 posté par Depluloin le 29/11/2009 à 13h03
Depluloin, il y a des façons plus simples de réclamer un baiser sur son front pour être consolé.
Commentaire n°9 posté par la surin le 29/11/2009 à 13h11
Que nenni, ma Vieille Cosse! Que nenni!! J'ai simplement compris plus vite que vous que mon combat pour la défense de la monarchie était vain! Mais la pensée maurassienne, dont je suis un des derniers, sinon le dernier, à tenir pour excellente, juste, et nécessaire pour la France, n'a pas dit son dernier mot!! Encore quelques ouistitis du genre que l'on sait à la tête de l'Etat et vous verrez...
(Madame Tor-Ups, je viens bien un baiser moi aussi...)
Commentaire n°10 posté par Mr de Sourceussure le 29/11/2009 à 13h35
Et ce Hublot est l'un des plus beaux de votre collection!! (Je n'ai pas bien saisi s'il s'agissait de l'œuvre de Dominique H. ou de la vôtre? Une œuvre commune?)
Commentaire n°11 posté par Depluloin le 29/11/2009 à 13h39
La photo est bien de Dominique Hasselmann (rien de ce qui se passe aux alentours du 10e arrondissement - et souvent beaucoup plus loin - n'échappe à son objectif). Et c'est bien ça le plus fort : il a su saisir, sans être informé, le roi dans sa dernière invention (ou la reine dans sa dernière évasion ?) - et il a su d'instinct à qui faire passer l'image, qu'il en soit encore remercié !
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 18h30
@ Depluloin : je n'ai fait que transmettre ces deux photos à Philippe Annocque, j'ai pensé l'autre jour à son blog quand je passais à la station de métro Arts & Métiers à Paris. J'ai donc pris ces images de plus près.
Commentaire n°12 posté par Dominique Hasselmann le 29/11/2009 à 17h31
J'aime quand on pense à moi !
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 18h32
"Tor-Ups pense à toi"
Commentaire n°13 posté par Depluloin - néotorupssien le 29/11/2009 à 19h21
@ Dominique H. : Vos photos me rendent jaloux depuis longtemps. De mon côté, il suffit que je braque mon appareil pour que les enfants de mettent à pleurer, les jeunes filles à loucher, les vieillards brandir leurs cannes... Bref, j'ai fini par photographier des courges dans mon appartement.
Commentaire n°14 posté par Depluloin - néotorupssien le 29/11/2009 à 19h25
(Des courges qui étaient auparavant des cactus.)
Commentaire n°15 posté par tor-ups le 29/11/2009 à 19h39
Pas fâché, je l'avoue, de vous avoir volé votre réplique Madame Tor-Ups! (Mes cactus sont en soins intensifs, ils reviendront plus piquants que jamais.)
Commentaire n°16 posté par Depluloin le 29/11/2009 à 19h51
C'est avec plaisir que je vous imagine coiffé d'un cactus, cher Depluloin. Vous connaissez sans doute l'espèce appelée "coussin de belle-mère".
Réponse de PhA le 29/11/2009 à 20h29

mercredi 25 novembre 2009

ne pas regarder les mots droits

17 –––––––––––––––––––
 
je ne parle plus pour personne – je ne parle plus de rien – l’opération
consiste en me laisser enfoncer dans tout ce qui s’est écrit – épaule –
je me fixe une épaule dans l’angle – ne pas regarder les mots droits –
le substrat de la vie devenant liquide – le mot ne tient plus il est percé –
il est placé juste devant la fenêtre – une cible idéale pour terminer le travail –
je lui dis cible idéale un murmure un marmonnement – puis l’immobilité –
je ramasse des cordes je défais des nœuds je laisse des pièges je n’en finis pas
 
Rémi Froger, lignes de dérivations, éditions de l’Attente, 2009.
 
N’ayant guère le temps de faire un long billet (la saison est chargée) je suis bien content de pouvoir vous renvoyer chez Sébastien Smirou, qui parlait justement de ces lignes – qui me parlent. 


Commentaires

Ah mince!
Je voulais vous dire, cher Philippe : où trouver le repos de nos jours... (Ça - je vais vous apprendre un peu le métier -, ce sont les billets paresseux, ça pardonne rarement. Paresseux n'est pas le mot exact. Je voulais dire : Soit, vous débutez...Soit, je ne sais plus...) Oh mon Dieu!!!....

P.S. : Je me souviens encore du feu de la gifle : "Mollo la bouteille!"

Commentaire n°1 posté par Depluloin le 27/11/2009 à 01h28
Souvent j'aime bien aussi laisser la parole.
Réponse de PhA le 27/11/2009 à 09h06

mardi 24 novembre 2009

Hommage à Quinze Capotes

Si mon prénom fut le plus fréquemment donné aux petits Français l’année de ma naissance, mes parents – enfin, surtout mon père – se sont dédouanés en me transmettant un patronyme peu commun (un « drôle de nom » s’est dit Maman quand Papa s’est présenté, d’ailleurs un demi-siècle plus tard Fabrice Gabriel était d’accord ; il a, sans consulter ma mère, écrit les mêmes mots – « drôle de nom » – quelque part dans un numéro déjà ancien (août 2001) des Inrockuptibles). C’est une chance assurément, ça facilite grandement les requêtes que, surtout en période de publication, je gougueulise à intervalles rapprochés. En effet, nous autres Annocque ne sommes guère plus d’une soixantaine d’individus dans l’Hexagone, si j’ai bien compté (je compte rarement) – auxquels il faut sans doute rajouter quelques Belges et Néerlandais –, rares donc précieux, et fiers de l’être. Que d’ailleurs ce billet soit l’occasion de saluer tous mes cousins à la mode d’Artois, car à n’en pas douter nous constituons une grande famille, même si je n’en ai aucun indice autre que notre origine commune : le Pas-de-Calais.
C’est justement à un autre Annocque, inconnu de moi jusqu’à tout récemment, que ce billet tient à rendre hommage : Louis Annocque, dit « Quinze-Capotes » – voilà bien, vous en conviendrez, un sobriquet qui inspire le respect. Un jour que je gougueulisais, je fus mené par la main jusqu’aux Archives Nationales, et tombai non sans émotion sur une liste des dossiers de recours en grâce de condamnés à mort entre 1900 et 1916 ! Y aurait-il un assassin parmi nous ? La vérité, non moins tragique, était autre, que je vous donne à lire :
 
MILLON
Jules-Charles-Alphonse
Né/née : 27 décembre 1887
Profession : journalier à Boulogne-sur-Mer
Date de la condamnation : 12/01/1909
Motif de la condamnation : assassinat suivi de vols qualifiés et vols simples connexes commis dans la nuit du 13 octobre 1908 sur et au préjudice du sieur ANNOCQUE, dit Quinze Capotes, âgé d’une cinquantaine d’années.
Juridiction : Douai
Date de grâce : 05/04/1909
Remarques : peine commuée en celle des travaux forcés à perpétuité.
 
Pas de chance, Quinze Capotes. Millon, au bagne ! L’a-t-on envoyé en Guyane ? Si ça se trouve, c’était ce Millon, ce bagnard que ma grand-mère maternelle a trouvé caché sous son lit. Le monde est si petit. Ouste ! Du balai !
Revenant à Louis Quinze-Capotes, mon probable arrière-grand-cousin du côté paternel, j’ai invoqué de nouveau aujourd’hui l’oracle Google, qui a bien voulu m’en dire plus, par la voix – ou plutôt la Voix – du Nord (car le Nord, Monsieur le Président, avait une voix même avant Dany Boon) – qui voudra bien, j’espère, me laisser recopier ici son hommage à Quinze-Capotes :
 

  Il y a 101 ans, « Quinze capotes », un Audomarois excentrique était assassiné
Au début du siècle dernier, Louis Annocque, plus connu sous le sobriquet de « Quinze capotes », défrayait la chronique audomaroise par ses excentricités. Il devait son surnom au fait qu’il revêtait plusieurs habits les uns par-dessus les autres.
Ce personnage original habitait rue des Bleuets où il vivait en compagnie de son fidèle cheval. Il se déplaçait toujours avec celui-ci attelé à un char romain dans les rues de Saint-Omer. Régulièrement, une vente aux enchères de ses biens avait lieu sur la grand-place au profit du fisc afin de payer ses impôts dont il ne s’acquittait jamais. Lors de la vente publique, il rachetait toujours ses biens mis en vente avec la complicité d’un ami. Il voulait qu’après sa mort, on l’étrangle pour être sûr de ne pas être enterré vivant !
Le 13 octobre 1908, il fut bien étranglé, mais de son vivant, par Jules Millon, pupille de l’assistance. Après son arrestation, il nia son crime avant d’avouer en décembre 1908. Jules Million, 21 ans, fut jugé le 11 janvier 1909 par la cour d’assise de Saint-Omer et condamné à mort. Trois mois plus tard, sa peine sera transformée en travaux forcés à perpétuité.
Après la mort de « Quinze capotes », on retrouva chez lui près de quarante testaments dont un qui faisait de l’État le légataire universel. Sa famille intenta un procès à l’État afin de récupérer les 200 000 francs de l’héritage, mais en vain. Au vu de cette photographie de Louis Annocque prise au début du siècle dernier, on comprend mieux l’expression bien connue des Audomarois « être couvert comme Quinze capotes ».



Commentaires

Respect ! Ça c'est de l'ancêtre.
Commentaire n°1 posté par Didier da le 24/11/2009 à 19h37
De l'arrière-cousin tout au plus, mais tout de même, on se sent quelqu'un !
Réponse de PhA le 24/11/2009 à 20h34
Au moins se souvient-on des excentriques ! Ce Quinze Capotes aurait plus à Alphonse Allais, à Alfred Jarry et j'en passe ! Et puis il aimait son cheval, peut-être une jument aux dents vertes.
Commentaire n°2 posté par dominique boudou le 24/11/2009 à 20h21
Surtout quand ils ont l'élégance de disparaître tragiquement ! (Je me vois bien aller au collège en char romain...)
Réponse de PhA le 24/11/2009 à 20h33
Appartenir à la lignée des quinez capotes, voilà qui a plus de classe que d'appartenir à celle des bas bleus...
Commentaire n°3 posté par petite racine le 24/11/2009 à 21h47
Dès demain, je sors couvert !
Réponse de PhA le 24/11/2009 à 22h40
Belle histoire !
Ne serait-ce pas une légende que tu nous inventes? Tu ne te couvres jamais, tu n'as pas de cheval ni de char romain, des dettes j'en sais rien, à moins que tu ne tiennes de lui que par l'imagination et l'étrange (à chacun son excentricité) et là, oui, je te reconnaîtrais.
Belle histoire, oui, on l'envie !
Commentaire n°4 posté par Pascale le 24/11/2009 à 22h29
Une légende ? Mais je n'ai aucune imagination !
Réponse de PhA le 24/11/2009 à 22h43
Allons bon !
Commentaire n°5 posté par Pascale le 24/11/2009 à 22h45
Bon, je reconnais avoir inventé quelques histoires (qui se résument vraiment à pas grand-chose) pour qu'on puisse dire que mes livres sont des romans ; en revanche tout ce que j'écris dans ce blog est rigoureusement authentique ; juré !
Réponse de PhA le 24/11/2009 à 22h53
Soit! Alors plus de quête identitaire, ton passé est tracé!
Commentaire n°6 posté par Pascale le 24/11/2009 à 23h23
Je n'ai aucune envie, quant à moi, de savoir si oui ou non... Cette histoire est trop belle et je la déclare historiquement, rigoureusement, authentique. Certificat à l'appui.
Commentaire n°7 posté par Depluloin le 25/11/2009 à 18h00
La Voix de ch'Nord ne raconte que des histoires vraies.
Réponse de PhA le 25/11/2009 à 19h33
Chouette, il me fallait une histoire avant d'aller au lit.
Une autre demain soir j'espère ?
Commentaire n°8 posté par Anna de Sandre le 25/11/2009 à 22h39
J'espère que vous avez fait de beaux rêves !
Réponse de PhA le 26/11/2009 à 14h51
Depluloin, vous n'êtes pas drôle, c'est Philippe que je voulais titiller (car évidemment je me moque de savoir quoi que ce soit, cette histoire est belle, j'ai même dit que je l'enviais). Enfin...
Commentaire n°9 posté par Pascale le 26/11/2009 à 00h06
Mais si, Depluloin est drôle ; m'enfin !
Réponse de PhA le 26/11/2009 à 14h54
Finalement, ces capotes, ce sont comme celles des 2 cv Citroën que j'ai eues, on les roule ou on les déroule, le toit ouvrant sur le ciel, mais pas électrique ni mécanique - manuel, à rouler comme une cigarette (on était pauvres comme Job).
Ou alors, ce sont ces vêtments superposés en mille-feuilles : des pages mises l'une sur l'autre, chaque jour, empilées, puis un jour elles ont laissé passer, sans doute par accident, un spermatozoïde littéraire qui s'en allé féconder l'ovule de l'édition...
Commentaire n°10 posté par Dominique Hasselmann le 26/11/2009 à 13h24
Qui sait...
Réponse de PhA le 26/11/2009 à 14h53
@ Pascale : Mais oui je suis drôle! puisque Philippe vous le dit!! enfin!!
Commentaire n°11 posté par Depluloin le 26/11/2009 à 17h46
Pff...
Commentaire n°12 posté par Pascale le 26/11/2009 à 18h05
Mais dites donc, vous ne m'aviez pas dit que vous aviez un ancêtre commun avec Depluloin! Passionnant !
Ce goût pour Titan, maintenant tout s'explique , il faut prévenir Nonnon !
Commentaire n°13 posté par Souricette le 27/11/2009 à 21h22
Comment ? Combien de Capotes, Depluloin ?
Réponse de PhA le 27/11/2009 à 23h05
C'est mieux de répondre très tard que pas du tout.
Je m'excuse pour mes fautes d'ortographe mais je belge du côté flamand, eh oui....... .
Dans toute la Belgique il y a plus d' Annocqué, une des dernières était ma grand-mère décédée en 1978, le dernier Annocqué belge est décédé en 1995. Le nom d' Annocqué n'exsiste plus en Belgique depuis 2001 ( décés de Madame Annocqué Germaine mais elle était de naissance Française pour être exacte de Montrouge ).
Les Annocqué ( aussi Annokkee ) de Hollande sont d'origine belge.
Commentaire n°14 posté par De Witte Willy le 08/01/2010 à 15h29
J'avais remarqué cette orthographe si voisine qu'elle en est troublante - mon nom n'a pas l'accent aigu. En fait je sais peu de choses sur mes origines patronymiques, mon grand-père paternel étant décédé dès 1928. Merci de votre visite !
Réponse de PhA le 08/01/2010 à 18h24

samedi 21 novembre 2009

Folle Blanche

Le cyprès à terre, mon ciel se dégageait. Changer le paysage m’avait demandé un effort qui avait eu du mal à s’extirper de moi. J’étais enfermé, taiseux et les voisins qui spontanément s’étaient mis au travail dans mon jardin me réveillaient. Blanche avait raison, je le savais, j’étais un animal terré. Elle arriva vers midi dans le groupe des enfants sur le sentier de l’autre côté du buisson. Sa présence changeait tout en moi, c’était insupportable et attirant. Emmitouflée dans une écharpe de laine, elle se faisait raconter la chute de l’arbre dont les détails fusaient autour d’elle. Nous avions terminé le dépeçage et les bûches furent bien­tôt calées au fond du jardin. J’allai saluer Blanche et elle me dit, la main sur la mienne :
« Je sens un air nouveau traverser votre jardin. »
Je me retournai alors vers l’absence de cyprès et tendis mon visage comme on le présente quand on arrive sur la dune, lorsqu’on découvre l’océan, les embruns, le vent et qu’il ne s’agit pas de voir tout d’abord mais de respirer l’iode, d’éprouver son visage dans le vent d’ouest, de recevoir sur la peau le toucher de l’air libre. Blanche souriait et je ris de moi ; je ne savais pas respirer et j’avais avalé goulûment le souffle venu du ciel du jardin. On parla de déjeuner et l’homme du chemin du bois de Vivonne invita les bûcherons de cette matinée à manger un morceau. Une flopée d’enfants et d’hommes quittèrent mon jardin et Blanche, tâtonnant le portail bas, entra. Je l’accueillis, mis ma main sur son épaule et l’amenai doucement sur l’allée jusqu’au fond, dans les derniers débris de bois, de sève odorante, là où la terre allait respirer et le ciel circuler. Blanche regardait avec tout son corps et j’étais une fois encore stupéfait de la voir appréhender l’espace le plus simplement du monde. Elle écarta les bras et tourna lentement, prenant ainsi la place de l’arbre disparu ; elle dit :
« Vous sentez toujours si bon le bois. Tous les bois. »
Puis elle s’accroupit et chercha du bout des doigts des copeaux qu’elle choisissait et qu’elle respirait lon­guement. « Savez-vous que l’essence de cyprès ouvre les portes en nous, permet les passages ? » Folle Blanche, petite sorcière. Je ne pourrais plus désormais brûler une branche ou une bûche du cyprès sans penser à elle, sans respirer et écouter mon souffle s’ouvrir.
 
Cathie Barreau, Ecoute s’il neige, éditions Laurence Teper, 2009, p. 65-66.
 
« Folle Blanche », je n’ai pas pu m’empêcher de poser la question à l’auteur, tout à l’heure – bien sûr, c’est aussi la vigne, ce cépage typique du Pays Nantais où vivent Cathie Barreau et les personnages d’Ecoute s’il neige. Car c’est bien sûr une histoire d’ivresse.
Merci à Pascale, qui animait la rencontre, et bravo à la Bibliothèque Sonore d’Orsay, grâce à qui ceux qui sont comme Blanche ont aussi accès à la lecture, y compris des œuvres les plus contemporaines. 



Commentaires

Philippe blogue plus vite que son ombre ! Comment fait-il ? Mystère !

Merci Philippe, de ta présence qui m'a touchée, une fois encore. Merci de ta participation. J'étais contente que tu puisses discuter avec Cathie, je lui avais parlé de toi juste avant et elle t'attendait ; c'est une fille bien, qui écrit bien, qui explique bien son travail d'écrivain. Les lecteurs et audio lecteurs semblaient contents... Je recommence dès que possible, partout, chez eux, ailleurs, là où le partage à encore un sens. Et je ne t'oublie pas, dès que je peux, je t'offre une soirée comme celle là.
Commentaire n°1 posté par Pascale le 21/11/2009 à 22h03
Et moi j'ai été ravi de discuter avec elle, et c'est vrai qu'elle est aussi douée à l'oral qu'à l'écrit. (Je suis en train de remplir les bulletins du premier trimestre, là ; pardon si mes commentaires s'en ressentent...)
Réponse de PhA le 21/11/2009 à 22h17
Et bien sûr, l'on n'a pas remarqué l'ombre de Depluloin, présente toujours.
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 22/11/2009 à 00h52
Depluloin est partout. (Et Pascale dit vrai !)
Réponse de PhA le 22/11/2009 à 12h04
Détrompez-vous, elle planait puisque nous avons parlé de vous! Juré!
Commentaire n°3 posté par Pascale le 22/11/2009 à 00h55
PhA je (ne) vous hais (point) ! Je lirai ce livre. Pas seulement parce que l'extrait est très bien écrit (bien que ce soit un prérequis oeuf corse), mais parce que le mot "taiseux" est un de ceux qui me parlent le plus, et à cause du titre. Je suis très auditive et peu  visuelle. Et je pourrais passer ma vie à écrire sur la neige.
(Nom d'un stylo Mont blanc, vous m'emmerdez, Annocque !)
Commentaire n°4 posté par Anna de Sandre le 22/11/2009 à 10h10
Si vous êtes très auditive (voire tactile, olfactive ou gustative), alors ce livre est vraiment pour vous, Anna ! (ça me fait penser que dans le genre auditif, j'en ai encore un, ou plutôt deux autres, vers les débuts de ce blog, à vous signaler, histoire d'emmerder encore un peu Loïs)
Réponse de PhA le 22/11/2009 à 12h11
Très olfactive. Je peux trouver un laideron séduisant s'il porte un excellent parfum. Mais oubliez vos prescriptions de bouquin, de grâce, mes finances sont au plus mal :o)
Commentaire n°5 posté par Anna de Sandre le 22/11/2009 à 13h17
Enfin, Anna, vous savez bien que je suis sans pitié !
Réponse de PhA le 22/11/2009 à 14h37
Hélas, pourquoi vous implore-je ?
Commentaire n°6 posté par Anna de Sandre le 22/11/2009 à 14h50
Pour châtier sa présomption, j'ai bien envie de recommander à l'auditive lectrice les deux premiers romans de Gabriel Bergounioux : Il y a un et Il y a de.
Réponse de PhA le 22/11/2009 à 16h21
@Anne de Sandre : triez d'un oeil avisé les lectures de Philippe et lisez d'abord Cathie Barreau, son Bergougnioux peut attendre! "Ecoute s'il neige" est pour vous, comme je pensais qu'il avait été écrit rien que pour moi. Personne à qui je l'ai conseillé n'a pour l'instant regretté son achat. Certains, hier, en ont même acheté trois pour l'offrir à des proches à Noël.
Commentaire n°7 posté par Pascale le 22/11/2009 à 17h35
Tut tut ! Pascale ! Je sens qu'il va falloir que je te fasse lire aussi Gabriel Bergounioux. (Même à Cathie je l'ai conseillé. Bon, c'est vrai que si le moral est bas, il vaut mieux lire Cathie Barreau, la cécité chez elle n'arrête pas la lumière.)
Réponse de PhA le 22/11/2009 à 17h51
Tu as déjà essayé plusieurs fois mais je quête la lumière donc il attendra que le moral soit au beau fixe!
Commentaire n°8 posté par Pascale le 22/11/2009 à 17h56

lundi 16 novembre 2009

un auteur d’avenirs

La maison d’en face n’était plus déserte et craquait de toutes ses lattes de parquet, un poêle qui chauffe. Le couloir empestait la naphtaline, de nombreux vêtements avaient été suspendus.
Bloom était accroché entre deux uniformes, la peur suintait par tous ses pores. Sa gigantesque cape l’enveloppait des pieds à la tête de telle façon qu’il ne pouvait faire le moindre geste. Parfois, un coup de vent le soulevait lourdement, et alors il se mettait à battre contre le mur. Il ne pensait pas à l’aube impossible. Il se retenait de respirer. Il attendait.
Quelqu’un allait et venait comme un dément de l’autre côté des portes. De temps à autre, un panneau de bois s’ouvrait à la volée, inondant le couloir d’une lumière blessante, trop vive après ces longues minutes d’angoisse en pleine obscurité. Une forme hargneuse, l’imprécation aux lèvres, se jetait entre les vêtements et les secouait, puis reculait, puis à nouveau se ruait sur les ombres mouvantes des pardessus, des capotes mili­taires, des gandouras, des imperméables. Un couteau indien étincelait à tort et à travers, au rythme de ses gesticulations exaspérées, de ses discours criards.
« Calme-toi ! Calme-toi ! » répétait la voix d’une bohémienne que l’on apercevait parfois, chauve et verruqueuse, myope, horrible, une tortue.
« Le maudit ! Il reste dans l’ombre pour nous obser­ver, pour nous détruire, lui aussi ! répondait la voix du forcené.
– Arrête ! Calme-toi ! reprenait la bohémienne. Celui-là ne te sert plus à rien ! Oublie-le ! Prends-en un autre ! »
La porte claqua une nouvelle fois. La nervosité était à son comble dans les recoins de la maison déserte, tout craquait.
Puis, exactement en face de l’endroit où Bloom était immobilisé, emprisonné, la serrure grinça, et un visage se glissa dans l’ouverture. Il eut l’impression de recon­naître celui qu’il avait blessé à mort d’un coup de poignard. L’homme s’adressait au vide, un marmonne­ment de fantôme.
« Il utilise la magie pour ses crimes politiques », confia-t-il, mais déjà il repoussait la porte.
Au même moment, une lampe s’alluma dans le couloir. Bloom était dans l’incapacité de réagir. Autour de lui, les vêtements se soulevaient et retombaient sinistrement contre le mur. Il suffoquait. L’aube ne viendrait pas, il camperait ainsi pendant l’éternité, sans air, paralysé à l’intérieur de son manteau, condamné à jouer un rôle muet dans ce chassé-croisé d’âmes errantes.
« Je n’admets pas que cet idiot m’observe depuis sa cachette ! hurlait la voix du forcené derrière la cloison.
– Mais puisqu’il ne comprend rien ! glapissait la vieille. Calme-toi ! Tout est en compote dans sa mémoire ! Aucun danger qu’il y voie clair ! »
La porte de gauche venait d’être tirée avec violence. En pleine lumière, l’assassin apparut une nouvelle fois, brandissant sa lame redoutable, les lunettes en miroirs, effrayant.
« Je n’admets pas que cet idiot s’empare de bribes de ma mémoire ! » Il cherchait parmi les cintres, s’appro­chant sans cesse de Bloom.
Un masque jaunâtre, malade, mais tellement déter­miné à vivre qu’il se transformait, la magie était à l’œuvre, avec la rage. Il avait une silhouette de masto­donte, mais c’était seulement parce qu’il avait revêtu l’immense pèlerine de Bloom.
La bohémienne passa son bec corné dans l’embra­sure.
« C’est l’heure de partir ! croassait-elle. Change-toi ! Celui-ci ne te sert plus à rien ! »
L’autre leva son poignard vers l’ampoule, il prenait son élan, il était juste à côté de Bloom. « Le maudi-i­it ! »
Bloom se redressa en sursaut, il s’était mis à bre­douiller des mots sans suite. Puis il se réveilla.
Dans son geste, il avait rejeté au loin les draps, il était nu, comme un animal énorme émergeant d’un trou d’eau. La sueur retombait en cataractes sur le matelas et sur le sol. L’écho de sa peur gargouillait encore au fond de sa gorge.
Il s’assit sur le lit, l’obscurité engluait la chambre, son manteau se démenait dans le courant d’air, le rectangle du ciel se découpait à quelques mètres , sans étoiles.
« J’avais fini par croire que c’était moi le migrateur, chuchota-t-il. J’avais fini par confondre les rôles ! »
 
Antoine Volodine, Un navire de nulle part (Orgueil et préjugés, « Une révélation en spirale »), Denoël, 1986.
 
Si je vous mets la couverture, c’est surtout pour vous rappeler que ce livre étonnant est paru dans la collection « Présence du futur » des éditions Denoël, avec la petite planète gris métallique en logo en haut du dos. Cette petite planète me renvoie loin, car j’en ai lu, autrefois des « Présence du futur », de Aldiss à Stefan Wul (si je me fie au catalogue, car il y avait aussi du « Fleuve noir » et du « J’ai lu » dans la bibliothèque) ; d’ailleurs c’est bien simple : je voulais être auteur de science-fiction. (Même aujourd’hui – je sais bien que ça ne saute pas à l’œil à la lecture – je suis bien conscient de devoir quelque chose à la science-fiction.) A cette époque-là, quand j’en lisais, Volodine n’était pas encore au catalogue. Aurais-je eu Un navire de nulle part entre les mains, je ne sais pas ce que j’en aurais pensé : « je n’avais pas quinze ans », chantait l’autre. Le fait est que la présence de cet auteur dans cette collection interroge – encore qu’en toute logique il y eût parfaitement sa place ; et pourtant déjà c’était aussi du Volodine.
En 1986 je ne lisais plus « Présence du futur » ni les autres, je suis passé à côté de Volodine. (Je lisais surtout Beckett.) En 1986 je terminais d’écrire un premier « livre » qui n’en a jamais été un, et qui croyait entre autres choses être un adieu à la science-fiction qui l’avait fait naître ; c’est ce livre-là qui m’a fait – il m’en faudra du temps pour en finir un deuxième. En 1986 je faisais une rencontre. C’était le 8 décembre, me dit Wikipédia : le jour du retrait du projet Devaquet. Mais il fallait tenir la caisse.
En 2009 je n'en finis pas de confondre les rôles, et je continue de découvrir Volodine, avec plus de vingt ans de retard. En lisant son deuxième roman, paru dans une collection populaire à juste(s) titre(s), je me dis que c’est un auteur d’avenirs. Mais je ne laisserai sans doute pas passer vingt-trois ans avant de lire Macau



Commentaires


Les auteurs se présentent en temps voulu. Le meilleur exemple pour moi c'est Flaubert. Perdu dans un programme de seconde ou première, il revient quelques années plus tard tout neuf, immense.
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 17/11/2009 à 10h49
J'ai eu de la chance avec Flaubert : il m'a été magnifiquement recommandé.
Les auteurs contemporains se présentent aussi, mais souvent la porte est fermée. Si Volodine n'était pas sorti de "Présence du futur", il n'aurait été lu que par des amateurs de SF.
Réponse de PhA le 17/11/2009 à 13h31
Grâce à cette couverture, je me souviens en effet avoir eu ces "Présence du futur" entre les mains...
Merci pour la réminiscence.
Commentaire n°2 posté par la flore et la faune le 17/11/2009 à 13h27
Moi, j'ai même eu celle-ci :
  qui était dans la bibliothèque paternelle. Du coup, la petite planète métallique me paraissait très moderne (et ça fait drôle, aujourd'hui, cette vieille modernité entre les mains).
Réponse de PhA le 17/11/2009 à 13h39
J'ai eu Chroniques aussi, mais dans la version d'après, tout comme Fondation... Mais pas Mme Bovary, qui pourtant est un chef-d'œuvre de scifi. Avec des effets temporels dignes de K. Dick. Exemple >

"Elle aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir , comme ces châtelaines au long corsage , qui , sous le trèfle des ogives , passaient leurs jours , le coude sur la pierre et le menton dans la main , à regarder venir du fond de la campagne un cavalier à plume blanche qui galope sur un cheval noir."

Vous le voyez, le cavalier, prisonnier de sa course, qui n'en finit pas de venir ? Comme sans cesse mis sur pause puis sur lecture. Comme les nichons de François Matton (je me comprends et je sais que tous les lecteurs d'ici aussi).
Commentaire n°3 posté par la flore et la faune le 17/11/2009 à 14h00

dimanche 15 novembre 2009

sabotage de l’instant zen

C’est alors qu’une voix rompit la furie du zinzinement général – un îlot, des vibrations humaines égarées parmi les vagues hyménoptères et diptères.
« Je boirais bien une goutte de thé », suggéra la voix.
Kokoï s’ébroua de sa chaleur dégoulinante et leva les yeux. L’inspecteur-délateur Popouk bâillait près du râtelier des carabines, sa place favorite pour surveiller ­l’avancement des enquêtes de ses collègues, mais comme il venait de se réveiller il ne tenait pas encore en main le stylo crasseux avec lequel il rédigeait habituelle­ment ses rapports anonymes.
Un teint marbré par la lourdeur du climat, l’alcool, l’envie rongeante ; une couleur papillon de nuit qui lui descendait depuis la calvitie jusqu’aux paupières, puis jusqu’aux lèvres perdues dans les replis et les goutte­lettes saumâtres. De toute manière, un spectacle qui n’intéressait plus Kokoï, maintenant qu’il avait en tête la perspective de la préparation rituelle du thé.
« Bonne idée. Je m’en occupe. A propos, tu n’aurais pas vu le couvercle de la bouilloire ? »
L’oubli de soi dans la quête de l’eau et des braises, voilà au moins un bonheur zen qui brillait au milieu de la déroute généralisée, Tchéka et univers en naufrage.
Et alors, à l’instant où le mouton appointé allait répondre, la porte s’ouvrit brusquement, et un grand moustachu du secrétariat général s’engouffra dans le bureau, imprégné de haut en bas par la suffisance et l’odeur de linge douteux qui caractérisent les miliciens chargés de tâches intermédiaires.
Kokoï reposa sur le tabouret des interrogatoires le réchaud qu’il venait à peine de débarrasser de ses cendres.
Une communication urgente du secrétariat général », dit le moustachu.
L’insolence lui sourdait par tous les pores. C’était tout à fait ce genre de petits bureaucrates pleins de morgue qui complotaient avec la fraction du secrétaire Ranjith Mohideen, un œil toujours louchant vers les bulletins de santé de Wassko Koutylian. Un œil luisant d’impa­tience.
« Pour l’inspecteur Kokoï…
– Inspecteur-chef », rectifia sèchement Kokoï.
L’aigreur lui remontait le long des papilles, à cause de Mohideen, ce charognard, et aussi à cause de cette interruption indélicate, la sérénité zen bousculée, aux oubliettes.
« Excusez-moi. C’est à propos d’un dénommé frère Müllow. Vous le situez ?
– Déjà lu son nom dans une note de service. Müllau, vous dites ? Un illuminé ?
– Quelque chose comme ça. Un petit-bourgeois qui propage des rumeurs contre-révolutionnaires, tout en pratiquant la magie clandestine.
– Ah ! la magie clandestine… »
Deux secondes : Kokoï affectait d’être plongé dans une réflexion profonde. L’autre l’agaçait, il avait envie de lui jeter en travers du gosier tout ce que lui-même digérait mal, toutes ces tables surchargées de dossiers, le quotidien minable, les armoires débordant de pièces à conviction, les porte-bonheur suspendus, en fer-blanc, en cuivre, en plumes, les alambics, les casse-tête, les machines à écrire hors d’usage, les carabines d’assaut à canon court, inadaptées à la riposte en cas d’attaque de francs-tireurs depuis le lointain sommet des arbres.
Une fenêtre claquait, remuant des senteurs de bam­bous, contrariant les plans d’une escadrille de papillons orange.
« Pas si clandestine que ça, votre magie. La voilà qui déborde sur la place publique, saviez pas ? La première sorcière venue peut rajouter quinze étages un immeuble de l’avenue Moskovski sans que la Tchéka soit capable ni de l’en empêcher, ni de l’imiter… Vous êtes bien sûr que ce n’est pas nous, les clandestins ? »
Le moustachu et l’inspecteur s’entre-regardèrent. Une épineuse broussaille d’incompréhension séparait leurs deux intelligences.
« Je ne sais pas », dit le moustachu. Un geste évasif, comme s’il avait été pris en flagrant délit mensonge. « Donc, euh… ce frère Müllow a été tué la nuit dernière. On parle de meurtre maquillé en sui­cide. Bien entendu, la population accuse la Tchéka.
– Quel quartier ?
– Kolomenski, vers l’embouchure de la Fontanka : le quartier indonésien. Müllow avait une chambre sur l’arrière d’un bar suspect.
– Le nom du bar ?
– Le Jane Austen. »
J’aurais dû m’en douter, pensa Kokoï.
 
Antoine Volodine, Un navire de nulle part (Raison et sentiments, « Sabotage de l’instant zen »), Denoël, 1986.

Commentaires

Le Jane Austen ? C'est vraiment bizarre, j'aurais dû m'en souvenir.
Commentaire n°1 posté par C. Watson le 15/11/2009 à 22h05
C'était dans le quartier indonésien de Pétrograd, en pleine jungle tropicale. On y pratique couramment la magie clandestine, ce qui peut expliquer votre trou de mémoire.
Réponse de PhA le 15/11/2009 à 22h19
Jamais su lire Volodine, je ne sais pas pourquoi, j'ai du mal, ne trouve pas la clé pour entrer dans ses livres. Plus tard, peut-être...
Commentaire n°2 posté par Pascale le 16/11/2009 à 17h28
J'ai l'intention d'en poster un autre extrait, à mettre en perspective. J'essaierai aussi peut-être d'en dire quelques mots - si je les trouve. (Difficile à dire, l'effet que me fait Volodine. C'est un monde en soi, j'ai envie de tout lire.)
Commentaire n°3 posté par PhA le 16/11/2009 à 18h06
Ne te prive pas, lis tout. Ceux qui aiment le lire sont comme toi.
J'ai peut-être eu le tort d'aller assister un jour à un spectacle au théâtre de la Colline où son texte en entier (je ne sais plus lequel, un roman avec des animaux et une tripotée de noms à la queueleuleu) était lu et joué. J'ai détesté, suis partie avant la fin. Depuis, je recule, il y en a tellement d'autres qui m'attirent...
Commentaire n°4 posté par Pascale le 16/11/2009 à 18h18
Sûrement Nos animaux préférés (j'adore !) Un jour (ou peut-être plutôt une nuit, d'ailleurs), il faudra que tu lui donnes une autre chance.
Commentaire n°5 posté par PhA le 16/11/2009 à 19h12
Une nuit lointaine, oui, je ne ferme jamais les portes mais pendant quelques mois j'ai au programme de nombreuses relectures...
Commentaire n°6 posté par Pascale le 16/11/2009 à 19h35
Je pense en effet que la magie de Volodine passe mieux à la lecture qu'au théâtre où certaines mises en scène peuvent être inutilement rébarbatives. Mais notre hôte est plus qualifié...
Commentaire n°7 posté par Depluloin le 16/11/2009 à 19h57
@ Pascale : Parfois il est préférable de quitter la salle que de piquer des fous rires nerveux et totalement incontrolables avec une autre Pascale de ma connaissance.
Commentaire n°8 posté par Depluloin le 16/11/2009 à 20h20
Est-ce de ma faute à moi si je suis chatouilleuse ?
Commentaire n°9 posté par tor-ups le 16/11/2009 à 20h37
C'est vrai, les fous rires me connaissent mais jamais nerveux, toujours volontaires.
Pour en revenir à Volodine, la mise en scène était dans le genre "new wave", comme tout (ou presque) ce qui passe à la Colline. Et j'ai beaucoup rit avant que ça débute en écoutant les discussions snob alentour : tous se la pétaient grave, ça fait bien de crâner dans le beau monde. J'étais pliée de rire face à leur ridicule. Ils ne s'en rendaient pas compte. Me suis sentie étrangère, une fois de plus.
Commentaire n°10 posté par Pascale le 16/11/2009 à 20h37
Et Pascale n'était pas à mes côtés! Snif...
Commentaire n°11 posté par Pascale le 16/11/2009 à 20h39

jeudi 12 novembre 2009

histoire de goûts

Auteur quelque peu polymorphe dans mon écriture, il m’arrive aussi souvent de m’interroger sur mes goûts littéraires. Force m’est de reconnaître qu’ils sont plutôt variés,


et même assez disparates
 


voire audacieux.

Mais il m’arrive aussi souvent de me régaler d’un grand classique.

(Oui, j’ai vraiment ramassé et goûté à tout ça – et à beaucoup d’autres encore.)


Commentaires

Aïe aïe aïe, vous aussi vous bouffez des champignons !
Commentaire n°1 posté par C. Watson le 12/11/2009 à 22h02
Aïe ? Faut-il vous appeler le SAMU ? (Vu l'heure, c'est sans doute trop tard.)
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 18h55
Je vois que les petites annonces locales servent à supporter vos champignons...
Vous avez raison : il n'y a pas de mal à se faire du bien !
Commentaire n°2 posté par Chr.Borhen le 13/11/2009 à 10h40
Mes champignons adorent écraser les annonces de gros 4x4.
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 18h54
Le tout est de garder en mémoire le numéro des Urgences médicales... (Votre voisine aussi nargue le parisien avec des cèpes de 600 g.) Tiens, je vais chez mon marchand de légumes où il n'y a qu'à se baisser... et payer!
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 13/11/2009 à 11h47
Si je vous disais que j'ai goûté à autant d'espèces que mon âge compte d'années...
(Vous aussi ? Elle a aussi osé avec moi, figurez-vous - d'où ce défi, glorieusement relevé !)
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 18h53
Manque la girolle ! Vous ne lisez donc pas Proust ? (smiley qui sourit)
Commentaire n°4 posté par la flore et la faune le 13/11/2009 à 12h07
Hélas, la saison est passée... (D'ailleurs c'est toujours l'été que je me dis que je devrais relire Proust.)
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 18h48
Rassure moi, tu n'as pas ramassé ces choses près de chez toi?  Et qui t'a donc aidé à une si belle récolte? Un chien ou un cochon?
Commentaire n°5 posté par Cécile le 13/11/2009 à 15h07
Je n'ai pas eu à aller bien loin... (J'ai été aidé - ou plutôt aiguillonné - par ma "voisine" qui me narguait - Depluloin est bien renseigné - avec ces cèpes de 600 grammes. Mon plus gros, hélas, n'a pas dépassé les 475 grammes - ce qui est tout de même honorable.)
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 18h45
un petit faible pour le mousseron même si "goûts variés" itou !
Commentaire n°6 posté par Juliette Mézenc le 13/11/2009 à 15h48
Tricholome de Saint-Georges ou Marasme des Oréades ? (le second pousse à domicile, c'était la récolte d'avant-hier)
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 18h47
Non, non, rien de grave rassurez-vous, quelques trompettes de la mort n'ont jamais fait de mal à personne. Les amanites phalloïdes, j'ai essayé mais je n'aime pas, je préfère les rougissantes.
Commentaire n°7 posté par C. Watson le 13/11/2009 à 19h36
Les rougissantes, pensez à les faire blanchir (sans blague).
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 20h10
j'en sais rien du tout, ma grand-mère disait mousseron et bolet, grisou et vesse de loup mais "marasme des oréades" : j'apprends (et vais enquêter), merci !
Commentaire n°8 posté par Juliette Mézenc le 13/11/2009 à 19h50
Le marasme des oréades, c'est le "faux mousseron" ; un maigrichon d'automne abondant et bien goûteux. L'autre, le "vrai" est un printanier bien charnu, auquel je n'ai encore hélas jamais goûté. (Je n'ai pas eu la chance d'hériter de la science de nos grands-mères, j'ai tout appris dans les livres.)
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 20h09
Me prenez-vous pour une oie, monsieur ?
Commentaire n°9 posté par C. Watson le 13/11/2009 à 20h19
Je ne connais pas encore bien votre plume...
(Mais vous n'ignorez pas qu'il y a un risque de toxicité chez la rougissante crue.)
Réponse de PhA le 13/11/2009 à 20h48
Disons une plume détrempée ?
Commentaire n°10 posté par C. Watson le 13/11/2009 à 20h56
"La voisine", c'est moi.
Commentaire n°11 posté par tor-ups fait son coming-out le 14/11/2009 à 10h32
Mardi, j'y retourne ! (C'est un défi.)
Réponse de PhA le 14/11/2009 à 21h23
Belle cueillette! En complément :
http://bibliodyssey.blogspot.com/2009/11/les-champignons.html
Commentaire n°12 posté par Romain le 14/11/2009 à 19h52
Merci Romain ! (Et moi qui croyais parler de littérature ! Comme quoi les lecteurs ne s'attachent qu'à l'image...)
Réponse de PhA le 14/11/2009 à 21h26
Et gare aux gorilles , pardon gare aux morilles!
Commentaire n°13 posté par marie guegan le 16/01/2010 à 13h13
Les gorilles ? mais ce sont des singes de printemps, voyons !
Réponse de PhA le 16/01/2010 à 15h23