samedi 17 avril 2010

laisser la barre

Une récente lecture sans doute est à l’origine de la remontée dans ma mémoire de ces textes (et particulièrement de celui-ci) grâce auxquels à l’adolescence je suis entré, par une porte que je croyais petite, dans l’œuvre de Kafka.


 
Le pilote
 
– Suis-je ou non le pilote ? criai-je.
– Toi ? répliqua un grand homme sombre en se passant la main sur les yeux comme chassant, de ce geste, un rêve.
Dans la nuit noire, j’avais gouverné sous la faible lueur d’une lanterne au-dessus de ma tête. Alors était venu cet homme qui voulait m’écarter. Comme je résistais, il appliqua son pied sur ma poitrine et me renversa d’une lente poussée. Je m’agrippais toujours aux rayons de la roue à qui, dans ma chute, je fis faire une complète révolution. L’homme s’en saisit et la remit en place tout en me repoussant. Mes esprits rassemblés, je cours à l’écoutille commandant la chambre d’équipage :
– Vite, camarades, marins ! Venez vite ! Un inconnu m’a arraché la barre !...
Ils gravirent lentement l’échelle de coupée, puissantes formes, chancelantes de fatigue.
– N’est-ce pas moi le pilote ? criai-je.
Ils hochèrent la tête, mais ils n’avaient d’yeux que pour l’étranger autour duquel ils se rangeaient en cercle, et lorsqu’il les apostropha rudement :
– Ne me gênez donc pas !
Ils rompirent les rangs, m’adressèrent un signe de tête et redescendirent l’escalier.
Quel est donc ce peuple ? Raisonnent-ils ou ne font-ils que se traîner inconscients par le monde ?
 
Franz Kafka (traduction de Jean Carrive).
 
Si les volcans le veulent bien, je compte moi-même m’effacer quelques jours. Mais je ne vous abandonne pas ; je laisse de bon gré et dès demain les commandes à une silhouette peut-être moins chargée d’autorité – quoique : celle de Monsieur Le Comte.


Commentaires

"Suis-je ou non le pilote ?"... la question est elle-même la réponse.
Dès lors qu'on (se) pose la question, c'est que, pilote, on ne l'est plus.
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 17/04/2010 à 13h19
Un accès de conscience - comme un accès de fièvre -, et l'on n'existe plus.
Réponse de PhA le 17/04/2010 à 16h29
Ce n'est pas "Le chateau"... flute! Ah mémoire dis-moi si je suis.. Ah non! Pas Monsieur le Comte!!! Pas lui!
  Commentaire n°2 posté par Depluloin le 17/04/2010 à 14h15
C'est un fragment complet, si j'ose dire. Dans mon édition (Folio), il est regroupé avec la Muraille de Chine. J'ai toujours eu le chic pour commencer la lecture des grands auteurs par leurs oeuvres les moins connues.
(Méfiez-vous : Monsieur Le Comte is watching you.)

Réponse de PhA le 17/04/2010 à 16h27
Je découvre une "SONDE" en bas à gauche de votre blog. Késako?
Vous partez en wacances? Méritées sûr! "ainsi vous allez traîner inconscient dans le monde". Ne lâchez pas la barre.issez Monsieur le comte sur le paletot? Je ne sais pas si vous le trouverez en bon état à votre retour...
  Commentaire n°3 posté par Ambre le 17/04/2010 à 18h30
La sonde, c'est pour fouiller dans les Hublots. En fait maintenant ça fait double emploi avec le "rechercher" de la barre Overblog.
(Hélas, pour les vacances, je crois bien que Vulcain n'est pas d'accord.)
Je ne m'inquiète pas pour Monsieur Le Comte, il a tout du héros.
Réponse de PhA le 17/04/2010 à 18h46
Bizarre, il manque un morceau!
"vous nous laissez... avec Monsieur le comte..."
Commentaire n°4 posté par Ambre le 17/04/2010 à 18h32
La navigation maritime - et sous-marine, pour augmenter les précautions - s'impose ces jours-ci. Les vacances de M. Hublot font des vagues.
Commentaire n°5 posté par Dominique Hasselmann le 18/04/2010 à 08h31
En effet ! On révise ses plans - mais on ne s'avoue pas vaincu.
Réponse de PhA le 18/04/2010 à 13h48

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