vendredi 5 août 2011

on l’avait mis en terre sans lui

Non loin de la fosse ouverte, la dalle de marbre gris foncé, chic, sobre, gravée de son nom, Louis Vertumne, et de ses dates, reposait sur des bastaings. C’était quelque chose, ces dates, la seconde, surtout. De son vivant, bien sûr, il l’avait parfois estimée à vue de nez, en se basant sur la longévité moyenne des hommes de sa génération, et sur ses handicaps : longtemps fumeur, imperméable à toute idéologie diététique, travailleur sédentaire, adepte du no sport churchillien… Il ne s’était pas trompé de beaucoup au bout du compte. L’initiative de Donovan Dubois avait juste un peu précipité les choses… En retrait de la fosse, quelques gerbes et couronnes. A notre confrère, ça c’était son journal. Ils n’avaient même pas mis A notre cher confrère. On lui rendait le peu qu’il avait donné. En travers des couronnes, sur des bandes de taffetas violet ou bleu roi, des souvenirs et des regrets dorés dont certains au moins, ceux des trois muses, devaient être sincères. En tout cas il avait loupé la cérémonie, on l’avait mis en terre sans lui, la compagnie s’était dispersée, il se retrouvait planté tout seul devant sa tombe comme un gosse en retard devant la grille de l’école.
 
Georges-Olivier Châteaureynaud, Le corps de l’autre, Grasset, 2010.
 
J’aime aussi voir ce qui se fait aux antipodes (les miens). C’est un peu dans cet esprit que je reviens vers les belles fictions de Châteaureynaud (je garde un beau souvenir de son recueil de nouvelles Singe savant tabassé par deux clowns, notamment de celle intitulée Civils de plomb). Sur un sujet pas franchement original (mais vous savez ce que je pense des sujets) (en l’occurrence : un vieux critique littéraire aigri se retrouve coincé dans le corps du jeune loubard qui vient de le poignarder), il laisse joliment se poser la question qui (ou quoi) être – laquelle, tiens, n’est pas du tout à mes antipodes ; au contraire c’est à deux pas.



Commentaires

 "qui (ou quoi) être"
Oui, c'est tout vous:) 
Commentaire n°1 posté par Ambre le 06/08/2011 à 11h25
(Oui, d'ailleurs en ce moment je suis plutôt un caramel mou. Il va falloir réagir !)
Réponse de PhA le 07/08/2011 à 10h51
Comme quoi, rien de plus proche que les antipodes -comme qui ?
Commentaire n°2 posté par albin le 06/08/2011 à 14h14
A moins que je n'aie fait le tour du monde sans m'en rendre compte, je suis parfois si distrait.
Réponse de PhA le 07/08/2011 à 10h57
Qui (quoi) être ? ... Comme je n'ai plus guère le choix, je ne me pose pas la question. (Je viens de découvrir que je suis churchillien, c'est quelque chose!:)
 
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 06/08/2011 à 16h35
Absolument, Depluloin : vous êtes churchillien. Vous l'ignoriez donc ?
Réponse de PhA le 07/08/2011 à 10h59
@ Deplulion : ... et vous lui ressemblez?
 
Commentaire n°4 posté par Ambre le 07/08/2011 à 10h58
Son portrait craché !
Réponse de PhA le 07/08/2011 à 22h47
Je n'ai rien lu de cet auteur, mais tout cela me fait penser au début de à "La belle image," de Marcel Aymé, où le personnage principal ne se reconnaît plus dans ce que lui renvoie une vitrine de magasin...
Commentaire n°5 posté par Lza le 26/01/2012 à 09h29
Ne pas reconnaître, c'est le commencement de la sagesse.
Réponse de PhA le 28/01/2012 à 11h45

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