mardi 27 septembre 2011

agrège et recombine


A l’issue de la treizième semaine, ils atteignaient COPENHAGUE.
 
« Les yeux de Warren Dahler sont de plus en plus clairs, translucides. » Le glaucome, qui modifiait – jusqu’à la couleur des paupières ses yeux vairons, le contraignait à s’abriter de la lumière.
 
Monochrome empirique. Le bureau central de COPENHAGUE se trouvait dans la villa d’un ancien banquier dont les hommes armés qui la gardaient, répétaient qu’il avait été décapité après avoir été torturé ; Maïa marchait dans le couloir noir ; la deuxième porte, entrouverte sur la gauche, donnait sur une pièce cardinale – rouge. Warren Dahler fumait, éloignant les volutes qu’il recrachait du chat qui se tenait sur ses genoux : « Combien de temps avez-vous prévu de rester ? »
 
De cette ancienne gare dont subsistaient des vestiges : des wagons, une immense verrière envahie par des plantes endémiques et exogènes, Warren Dahler s’était approprié tous les étages ; certains trains immobiles étaient habités par des familles ; la transition avec l’extérieur était incertaine, le toit de la verrière au sud avait été éventré sur plus d’un tiers de sa surface, laissant la pluie envahir la serre, et l’aile gauche écroulée se confondait avec d’anciens débris de mur, la forêt ; tout ici était indistinct comme une téléportation ratée agrège et recombine des éléments organiques avec les parois du sas de déplacement ; l’absence de transition architecturale se répercutait dans un fonctionnement social sans hiérarchie visible, c’est-à-dire affichée ; le modèle de défection civile qui avait prôné ce rétablissement sociétal était un paravent. Aux techniques d’asservissement qui avaient émergé depuis l’impact, d’autres – qui ne semblaient pas découler d’une décision mais d’un processus inconscient d’expansion, de réappropriation, s’étaient ajoutés – leur fonctionnement échappait aux classifications. Les premiers zombies qu’ils croisèrent, plusieurs jours avant d’atteindre COPENHAGUE, étaient immobiles : « La putréfaction atténue les spasmes ». C’est plus tard qu’ils associèrent ces cadavres aux individus errants qui encombraient les rues de COPENHAGUE.
 
« Des champignons* prennent le contrôle de leur cerveau, Ies amenant à se désolidariser lentement du groupe et à tuer leurs congénères – dont les cadavres futurs serviront de socle d’incubation, de terreau aux nouvelles spores. »
 
* Cordyceps unilateralis.
 
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8Fi_5stD6nD6degneD0YYSYZd2WvPdVxxvgctg4gs8PkoSBL3nBEpGIkYEFSDbfepzJIPiioJS2xBVs9GnCc6C1ah-DjUL8QlDWCzelrmWKr9kiKIrfqqJ0jK8rczaZvYVivg3lPJC4O0/s1600/Couv_futur-fleuve_GERNER_RLR.jpgEmmanuel Rabu, Futur fleuve, Léo Scheer LaureLi, 2011, p. 35-36.
 
« Emmanuel Rabu » est le nom de code d’un système de téléportation délibérément défectueux ou crapuleusement détourné qui agrège et recombine des éléments d’origines disparates pour en faire des objets poétiques fallacieusement déguisés en thèses universitaires comme Tryphon Tournesol et Isidore Isou ou en romans de science-fiction comme ce Futur Fleuve. (On peut lire aussi ici l’avis d’Alain Nicolas.)


Commentaires

Eh bien bravo! Je me suis laissé emporter, sans résistance. (Pourtant je ne garde pas un souvenir ébloui de Tryphon...) C'est très étonnant, très agréablement, j'aurais aimé comprendre mieux ce système - s'il y en a un. (Et le point virgule décidément!)
Merci Philippe! (Merci pour les autres découvertes.)
 
 
 
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 28/09/2011 à 12h58
Oh je dis système juste parce que téléportation, en fait agrège et recombine conviennent davantage. (Je garde un jubilatoire souvenir de TT & II.)
Réponse de PhA le 28/09/2011 à 14h10

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