lundi 12 septembre 2011

un ours sur le cœur


En 1977, je terminai mon engagement dans la marine marchande. Avec mes économies, je m’achetai un épais sac de couchage, des vêtements neufs, une tente, de bonnes chaussures, un fusil et une douzaine d’autres choses. Je pris le train tôt un matin et en descendis en pleine nuit. Je dormis dans la gare. Un camion me fit traverser la ville et me déposa devant la maison du garde forestier, à qui il manquait une jambe. Nous regardâmes ensemble une grande carte topographique. Il m’offrit à boire et inspecta mon fusil. Je lui offris une cigarette. Une bonne odeur de gâteau flottait dans la maison et me donna faim. Une heure après, je m’en allai.
Et c’est ainsi que, chargé comme une mule, je m’enfonçai dans la forêt, fuyant les hommes et l’océan, le cœur léger. Mais je craignais de rencontrer un ours.
 
  Hubert Mingarelli, La Lettre de Buenos Aires, « Pas d’hommes pas d’ours », Buchet-Chastel, 2011, p. 97-98.
 
Chez Mingarelli le cœur est rarement léger, et l’ours qui pèse dessus a aussi d’autres noms.
C’est un recueil de nouvelles, ce livre. Depuis Océan Pacifique je me demande si je n’ai pas un faible pour ses nouvelles. Peut-être d’ailleurs n’écrit-il que des nouvelles, au fond. Ce genre désencombré lui va bien.

Commentaires

J'aime autant ses nouvelles que ses romans, je crois... même son premier, très beau : « Les gens prétendaient que mon père était un raté. Ils omettaient de dire qu'il avait attrapé des truites bleues à la main. »
Commentaire n°1 posté par Pascale le 12/09/2011 à 21h44
Dans l'ensemble, j'aime à peu près tout - mais c'est peut-être qu'à mes yeux ses romans aussi sont plutôt des nouvelles. Je n'ai pas lu son premier - en revanche j'ai tout lu à partir de la Beauté des loutres.
Réponse de PhA le 12/09/2011 à 21h54
"Les nouvelles sont souvent comme les traces laissées à Lascaux : empreintes ineffaçables sur les parois de la mémoire."
Benoît Dehort, Oeuvres complètes, tome 67, page 2 (Editions du goudron, 2015).
Commentaire n°2 posté par Dominique Hasselmann le 13/09/2011 à 11h01
je l'adore! (surtout ses quatre soldats)
Commentaire n°3 posté par Aléna le 13/09/2011 à 12h40
Oui, Quatre soldats aussi.
Réponse de PhA le 13/09/2011 à 23h08
La chute (que vous avez choisie?) est hilarante! 
 
Commentaire n°4 posté par Depluloin le 13/09/2011 à 17h16
C'est un peu ma faute : j'ai sauvagement coupé le paragraphe. Mais l'effet de surprise, entre absurde et angoisse qui vont si bien ensemble, est bien là.
Réponse de PhA le 13/09/2011 à 23h10
 

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