mardi 27 mars 2012

Roman de plage, de Philippe Garnier.


Sous les rochers, la plage ?
 
De loin, le décor est celui de ces « vacances de rêve » des cartes postales à ciel turquoise : un club en bord de mer sur une plage vénézuélienne. Pourtant les vacances qu’y passe Stéphane, un français divorcé d’une femme du pays, sorte de looser-né plutôt attendrissant, en compagnie de son fils Pablo qu’il ne voit que quelques semaines par an, tiennent plutôt du cauchemar ; et ce Roman de plage de Philippe Garnier n’a de « roman de plage » que le titre.
A l’image de ce titre volontairement trompeur et en même temps objectivement indiscutable, l’ambiance au club ne ressemble pas à ce à quoi on s’attendrait : la vie des vacanciers y a clairement quelque chose de carcéral, et ce avant même que l’intrigue se noue. S’y retrouve un monde clos, replié sur lui-même, pathologiquement attaché à ses souvenirs et à ses privilèges menacés, en proie à une peur paranoïaque de l’extérieur – c’est-à-dire surtout des dérives du nouveau régime, celui de Chávez, présenté sous ses aspects les plus noirs. A cela s’ajoutent le traumatisant souvenir d’enfants disparus, la menace récurrente de glissements de terrain et d’éboulements de rochers destructeurs.
Dans le désir inconscient d’échapper à la névrose de leurs parents, les enfants forment au sein du club une sorte de microsociété à eux, opaque, dont sont exclus les adultes, et dans laquelle Stéphane observe avec envie son fils se fondre sans peine – un fils avec lequel la conversation se limite à quelques mots, et qu’il n’est même plus certain de reconnaître dès lors que celui-ci est en maillot de bain et porte ses lunettes de piscine.
En fait, ce qui est troublant, à la lecture de ce livre, c’est que les choses ne semblent pas être ce qu’elles devraient être. On vit dans une atmosphère de cauchemar, d’incompréhension parfois comique – on pense parfois à Kafka, et on se souvient alors que Philippe Garnier était déjà l’auteur d’un petit livre étrange et fort, Mon père s’est perdu au fond du couloir, paru chez Melville en 2005 – et en même temps tout cela s’inscrit dans un cadre historique et géographique clairement défini, et l’on est bien obligé de reconnaître que les événements racontés sont « objectivement » tout à fait plausibles. De l’art discret de transformer un roman réaliste, à la narration classique, en tout autre chose.
 
Mars 2008.
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Roman de plage est paru en 2007 aux éditions Denoël. Philippe Garnier est aussi l’auteur du tout récent  Babel nuit, qui vient de paraître chez Verticales.

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