samedi 21 avril 2012

Anaïs ou les Gravières, de Lionel-Edouard Martin.


Je viens de terminer Anaïs ou les Gravières, le roman de Lionel-Edouard Martin tout récemment paru aux éditions du Sonneur et je me disais deux ou trois choses. Je pensais au récit poétique, et au Récit poétique, cet essai de Jean-Yves Tadié que j’ai lu il y a bien trop longtemps pour en dire encore quelque chose de pertinent mais quand même, quand même : cette envie d’en rapprocher cette Anaïs, et aussi cette réflexion que le roman ne me fatigue pas quand il prend cette forme (puisque le roman, monopoliste lexical, prend toutes les formes). Je me disais d’autres choses en vrac, vous trouverez vous-même les rapports entre elles s’il y en a, je ne vais quand même pas faire tout le travail pour vous. Qu’au fond il est difficile de raconter une histoire qui ne soit pas d’une certaine manière une enquête, moi-même en essayant de faire à chaque fois autre chose je n’ai jamais fait que ça, et qu’alors c’est pas plus mal d’assumer la chose : le narrateur d’Anaïs est clairement un enquêteur. (Evidemment on a tôt fait de virer l’en-.) Si les enquêteurs professionnels pratiquent l’identification, c’est une pratique qu’ils ont en commun avec les gens qui écrivent : le narrateur d’Anaïs est clairement les deux. Anaïs, jeune fille assassinée d’un fait divers, n’est donc pas seulement Anaïs, se superpose à la propre histoire intime du narrateur en deuil, tandis que celui-ci recherche le père absent de la victime, disparu depuis des lustres, et que dans son imagination pour un temps il incarne : même haute stature, et malgré ses cheveux que contrairement à l’autre il a bruns et ras – histoire que le lecteur aussi s’identifie : tous les livres ont été écrits pour moi. Car cette histoire est aussi histoire d’imagination : le narrateur, tout journaliste (à l’Echo du Poitou) qu’il est supposé être, laisse au fil des pages une place croissante à l’imagination, au point qu’on ne sait plus si l’on doit prendre pour argent comptant ce qui est raconté. Et là bien sûr, l’amateur en moi de récits conjecturaux ne peut que se réjouir. Au point que je me demande parfois si l’avenir du roman n’est pas dans le récit conjectural. Si ce n’est pas là l’un des moyens de retrouver l’honnêteté perdue dans la fiction thétique. L’autre moyen honnête, c’est de faire en sorte que ce récit à la première personne soit vraiment écrit par le narrateur ; et il l’est : on le voit à l’œuvre, parfois en différé mais tout de même ; ce qu’on lit est ce que le narrateur avait besoin d’écrire, la présence du texte entre nos mais a un sens, la mise en abyme n’est pas là seulement pour décorer.
Je ne suis pas sûr de bien me faire comprendre. Le mieux c’est de lire le livre.
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Commentaires

Mais si, c'est très clair. Même si l'enquête doit demeurer irrésolue.
Commentaire n°1 posté par Dominique Hasselmann le 22/04/2012 à 07h31
Irrésolue mais lue.
Réponse de PhA le 22/04/2012 à 16h10
je l'ai, depuis peu, tout près de moi, il s'approche s'approche - je viens de finir le voleur de morphine de Sandoval et c'est extraordinaire, j'en suis retournée. Je finis Manuel Villas et Triptyque de Claude Simon, commencé, jamais lu avant - puis Anaïs, j'ai hâte
merci !
Commentaire n°2 posté par marie cosnay le 24/04/2012 à 15h27
Pour moi, brièvement : un livre bouleversant, qui dit tout à partir de trois fois rien par la magie de l'écriture...
Commentaire n°3 posté par Anonyme le 11/05/2012 à 08h58

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