samedi 29 septembre 2012

François Bon : Autobiographie de nos objets


J’avais prévu de citer un passage et puis ce billet est bien assez long comme ça. J’avais choisi le passage sur les photos de classe. Pourquoi ce passage-là ? Parce que c’est la saison. Dans une autre vie je suis professeur, les photos de classe ont été prises, les élèves ne vont pas tarder à les recevoir, les 3e n’ont pas encore fait de dictée, l’autobiographie est à leur programme, pourquoi pas un extrait de ce passage-ci le jour où ils la recevront, peut-être qu’ils s’en souviendront plus tard en retombant sur cette photo de leur classe, photo de classe en abyme.
Dans l’Autobiographie des objets de François Bon, il y a comme ça quelques objets qui sont communs à tous. Et d’autres pas du tout. Et même certains dont je ne sais même pas vraiment ce que c’est. Les objets étaient là, leur présence s’imposait à nous, ont participé à déterminer ce que nous sommes. Difficile de ne pas penser à soi-même en lisant les souvenirs d’autrui, de ne pas voir tout ce qui nous croise comme tout ce qui nous est étranger. Etrange, plutôt. Etrange pour moi tout ce qui a trait au garage familial, aux garages familiaux plutôt : j’ai fugitivement l’impression de l’évocation d’un autre monde. L’abîme de l’altérité entre personnes qui pourtant partagent aujourd’hui une commune préoccupation. Mais notre rapport à la matière sans doute en porte les traces.
Et puis il y a d’étranges croisements. Saint-Michel-en-l’Herm, village d’origine (quand c’est si compliqué pour moi de mettre un nom sur d’où je viens), tiens, j’y suis passé. J’y suis passé notamment parce que je venais de lire Abbés, de Pierre Michon (j’imagine combien a pu paraître étrange aussi à François Bon cet emprunt de son village), mais pas seulement. Ma route a croisé la Vendée et je ne pense pas que nombreux seront les lecteurs de ce livre qui sauront à quoi François Bon fait allusion quand incidemment ils mentionnent les pibales. Nul doute que l’absence d’explication soit intentionnelle c’est pourquoi je n’en donnerai guère davantage, même si par la conversation de mon beau-père je sais en théorie seulement de quoi il est question, n’ayant pas eu hélas la chance d’y goûter – car la gourmandise chez moi marche main dans la main avec la curiosité.
Je ne peux m’empêcher de voir la Vendée comme un pays où le passé est resté présent plus longtemps qu’ailleurs (ma toute jeune femme ne se souvient-elle pas « des bœufs » ? – comprenez : les bœufs à la charrue) et souvent cette impression se confirme à lire François Bon. Du coup, je suis d’autant plus frappé par l’irruption de la modernité, notamment technologique, dans cette Autobiographie des objets, que bien sûr, vite fait, je suis tenté d’expliquer par le garage. C’est sans doute aller un peu vite mais le lecteur ne se contrôle pas. Le support de l’écriture notamment. Evidemment. Les différentes machines à écrire utilisées par le jeune écrivain, avant l’accession précoce au numérique, loin de m’apparaître obsolètes, m’éblouiraient presque par leur modernité. (Il faut dire que celui qui écrit ceci ne sait pas encore programmer un magnétoscope – rappelez-vous : ces machines avec de grosses cassettes.) D’ailleurs la Remington, tiens. Flûte, j’ai perdu la page. Donc la Remington, avec son ruban bicolore noir et rouge, était déjà d’une autre époque à l’époque ; une sorte de nuit des temps dont certains auteurs l’ont tirée pour en faire un objet mythologique dont François Bon se moque gentiment. Eh bien la Remington à ruban noir et rouge, moi qui suis largement son cadet, je l’ai utilisée. Le meilleur de mes livres, le plus cher à mes yeux en tout cas (inédit bien sûr), c’est là-dessus qu’il y a un peu plus de vingt-cinq ans – seulement – je le tapais. Et quand je me suis servi de ce souvenir dans Une affaire de regard, je n’avais pas du tout conscience de participer à une sorte de mythologie collective – bien perçue par la critique cependant. Il faut dire que si j’avais eu la possibilité de me contenter d’écrire à la main, j’aurais préféré. L’écriture, pour moi, ou plutôt la littérature, c’était une manière de ne pas avoir à faire avec les objets, dont souvent je ne savais que faire.
Voyez comme en lisant les souvenirs d’un autre ce sont les nôtres aussi, souvent par contraste, que nous lisons. Les objets de François Bon, ou plutôt leur souvenir car c’est sous cette forme qu’ils apparaissent dans son livre, me renvoient aux miens, ou à ceux dont souvent j’ai répugné à me servir. Aucune nostalgie dans son livre, aucun pathos. Ce n’est pas pour autant que l’émotion n’y est pas, notamment dans sa fin annoncée, dernier objet d’abord évité, retardé – et pourquoi.
http://www.tierslivre.net/spip/local/cache-vignettes/L287xH420/arton2783-9d686.jpg

Commentaires

Je n'ai pas de certitude mais je crois que c'est un livre pour moi. Tout comme Liquide fut un livre pour moi : alors que mon parcours n'a rien à voir avec "l'histoire", j'y ai été maintes fois renvoyée....
Commentaire n°1 posté par Michèle le 29/09/2012 à 22h56
Oui, mais autant Liquide est un roman dont les situations tendent vers l'universel, autant cette autobiographie, notamment par le choix déterminant que fait François Bon de passer par les objets, nous renvoie à notre infinie singularité et souligne - enfin, c'est ma lecture - combien toute rencontre est improbable - et merveilleuse.
Réponse de PhA le 30/09/2012 à 15h59
Moi aussi, je suis tentée. Certains objets, parfois relativement récents, nous font plonger dans un passé que l'on croyait oublié. comme le magnétophone à cassettes, qui m'a tant servi à l'époque où j'étais donneuse de voix...
Commentaire n°2 posté par Lza le 30/09/2012 à 09h42
Les objets oubliés qui ne le sont pas vraiment.
Réponse de PhA le 30/09/2012 à 15h53
Bon, tout le monde est tenté, même moi. Ce que vous dites sur les autobiographies où l'on croit reconnaître sa vie est très bien vu. (Je suis en train de lire "Les champs d'honneur". Au pluriel, c'est ça?)
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 30/09/2012 à 12h24
Ou l'on croit reconnaître sa vie / où l'on s'étonne (et pourquoi donc ?) de ne pas la reconnaître.
Réponse de PhA le 30/09/2012 à 16h00

vendredi 28 septembre 2012

Hommage au Lecteur

J’apprends avec plusieurs mois de retard la mort de Christophe Martinez. C’est vrai que je ne le connaissais pas bien, ne l’avais rencontré qu’une fois ou deux ; nous avions un peu correspondu toutefois – et j’aimais bien ça. Il avait la passion de la lecture, et je ne savais même pas qu’il avait aussi celle des hauteurs (mais n’en suis pas surpris) ; c’est celle-là qui l’a emporté.
La lecture est une passion bien sûr mais parfois c’est aussi un talent, qui n’est pas si répandu. Certains trouvent même les mots pour partager, à l’heure d’Internet ouvrent un blog – celui de Christophe, Ed Wood de ce côté-ci de la Toile, c’était la Taverne du Doge Loredan : il avait le sens de l’accueil, et c’est sur un autre de ces blogs que j’apprends si tard la nouvelle (pourtant Romain Verger aussi…)
Le lecteur je n’y pense pas, je n’y pense jamais au moment de l’écriture. Pourtant c’est bien au moment de la lecture que le livre existe enfin, à chaque fois différent, à fois singulier. Le lecteur a sa part dans l’œuvre qui sans lui reste avortée, il n’y a pas d’autres mots. Ce soir le lecteur c’est une petite silhouette là-haut sur la montagne. Mais sa taverne reste ouverte et la table y est mise.


Commentaires

Bel hommage au Lecteur et belle réflexion sur le rapport écrivain/lecteur dont je suis depuis longtemps convaincue.
 
Commentaire n°1 posté par Michèle le 28/09/2012 à 23h08
Et celui-là va nous manquer.
Réponse de PhA le 29/09/2012 à 10h35
Bien que connaissant très mal Christophe, j'étais allée plusieurs fois lire son blog, que je trouvais d'une grande finesse. Triste nouvelle, et très bel hommage de ses amis.
Commentaire n°2 posté par Sophie K. le 29/09/2012 à 12h02
Oui.
Réponse de PhA le 30/09/2012 à 15h33
Un bel hommage de Romain Verger en effet pour Christophe Martinez dont l'existence m'était inconnue. Il a écrit d'ailleurs un joli texte sur votre Liquide.
Heureusement que vous ne pensez pas au lecteur en écrivant vos ouvrages, l'essentiel étant qu'en lisant un auteur le lecteur soit persuadé que ce livre n'a été écrit que pour lui, tant les mots lui parlent. C'est ainsi que le lecteur participe modestement à votre création.
 
Commentaire n°3 posté par Ambre le 29/09/2012 à 13h25
Oui, évidemment c'est un plaisir égoïste, mais précieux néanmoins, que celui d'être si bien lu.
Réponse de PhA le 30/09/2012 à 15h39
Merci Philippe pour cet hommage à Chris. Oui, c'était un lecteur d'exception. C'est lui qui m'a fait découvrir votre oeuvre... C'était le garçon le plus incroyable et le plus adorable du monde, aussi. Un funambule, un passeur, un homme de partage. Et finalement, cette circulation de l'auteur au lecteur (et inversement), quand elle peut prendre corps comme avec lui, est un bonheur, un privilège. Dans le chagrin, les mots comme ceux que vous écrivez se matérialisent et diffusent leur chaleur. Pour moi comme pour lui, il n'est jamais question de fiction; ou alors, elle est un outil. Les mots sont l'émanation de l'être, c'est ce qui compte.
Commentaire n°4 posté par Anne-Françoise le 01/10/2012 à 21h18
Merci Anne-Françoise pour votre passage. Je ne me voyais pas ne rien dire pour ce jeune homme au regard si juste et si honnête.
Réponse de PhA le 03/10/2012 à 14h35
 

samedi 22 septembre 2012

Patrick Besson ou l’étalage de l’ignorance satisfaite


Pas besoin d’écrire l’article, il s’en est chargé. Et fièrement. Admirez donc mon ignorance comme elle est crasse. (En tout cas voici l’occasion rêvée d’appliquer mon conseil d’hier. Notez que je n’avais pas encore lu ce billet au moment dudit conseil – et que mes rêves aussi sont d’une autre sorte.)
Il s’agit donc d’une réaction à une réaction à l’affaire Millet. A ce degré-là de réaction, de Millet il n’est plus guère question et personnellement je m’en réjouis, n’éprouvant que peu d’intérêt pour ce mauvais sujet. Plus précisément, il s’agit d’une réaction à la lettre d’Annie Ernaux, cosignée par une centaine d’auteurs mais pas par moi, ne voulant pas en rajouter à l’ignorance de Patrice Besson qui n’en avait pas besoin. En réalité si on m’avait demandé mon avis (qu’on ne m’a pas demandé c’est pourquoi c’est à vous que je le donne), je n’aurais sans doute pas signé ce texte qui, au fond, doit faire plaisir à Richard Millet. Une sorte de plaisir un peu étrange mais du plaisir sûrement – et même du plaisir assuré : le voilà Christ, c’était cloué d’avance. Mais foin de Millet, laissons-le aux oiseaux. Ce qui m’intéresse, c’est l’ignorance de Patrick Basson. « On n’a pas besoin de talent » pour être lecteur, écrit-il ; nul doute en effet que ce talent lui manque – au moins aujourd’hui. D’Adam, par exemple, Patrick Bosson ne connaît qu’Olivier. Pas Philippe. D’emblée, ça situe un peu le niveau du lecteur. (L’auteur, je n’en parlerai pas : je l’ignore aussi. Mais je connais son nom, vaguement.) Incapable de recopier convenablement un nom propre, il nous féminise Laurent Cauwet. (Vous me direz si je me trompe, mais Laurent Cauwet, c’est bien le monsieur d’Al dante ? On n’a pas le temps de refaire tout le catalogue aujourd’hui – mais c’est bien là que j’ai lu pour la première fois Raymond Federman, grâce donc lui soit rendue.)
Je ne vais pas non plus refaire la liste des ignorances de Jean-Patrick Beston (il ne connaît pas Liliane Giraudon ! le malheureux !), il le fait très bien lui-même. Non, ce qui m’interroge, c’est plutôt cet emploi de l’ignorance en guise d’argument. Moi, Patrick Weston, je ne connais pas ces gens ; donc leur avis ne vaut rien. Voilà en effet un argument imparable : son lecteur n’en connaît probablement pas davantage. Mais son lecteur n’est pas supposé passer autant de temps « dans les librairies et les bibliothèques » (à quoi y passe-t-il donc son temps, Bison Patraque ?), en tout cas le lecteur n’est pas supposé connaître la littérature française contemporaine aussi bien que l’un de ses représentants les plus distingués.
Que le lecteur tout honteux d’en connaître encore moins que Maurice Veston se rassure : les auteurs ignorés de ce dernier sont en effet bien trop ignorés – mais pas de tout le monde quand même, heureusement. La littérature française contemporaine souffre d’une crise de sa représentation dont l’ignorance de Patrick Besson est un coupable indice. Ceux-là même qui devraient en priorité s’intéresser à la création contemporaine se replient trop souvent dans un confortable entre-soi, ainsi peuvent-ils continuer à rêver qu’ils représentent encore ce que trop souvent ils desservent.





http://www.babelio.com/users/AVT_Patrick-Besson_3062.pjpeg

 

 

Commentaires

Article qui laisse pantois par sa suffisance. Mais on n'est pas vraiment en terre inconnue, même s'il s'agit d'ignorance. Il me semble que parmi ceux qui "causent dans le poste", beaucoup sont de cet acabit.
Commentaire n°1 posté par Michèle le 22/09/2012 à 07h57
Hélas.
Réponse de PhA le 22/09/2012 à 08h40
Admirons, au détour de l'article du Môssieur, son autopromotion, mine de rien, du futur " Précis incendiaire..." qui brûlera sans moi. Quel dindon boursouflé !
Commentaire n°2 posté par Françoise le 22/09/2012 à 08h28
Qu'un type aussi mal renseigné sur la littérature contemporaine se propose de l'incendier, ça croustille d'avance en effet. Mais l'ignorance est un carburant bon marché.
Réponse de PhA le 22/09/2012 à 08h39
Ce bonhomme (que je ne connaissais pas ;-) est à peu près aussi désagréable que son homonyme Eric. Moi non plus je ne connaissais pas un certain nombre de noms de cette fameuse liste, mais je n'écris pas dans "le point", et si je le faisais, j'aurais mouliné ces noms dans gougueule avant de balancer mon ignorance à tous les vents !
Commentaire n°3 posté par Mme de K le 22/09/2012 à 09h41
Voilà. C'est quand même un type qui se vante dans le même article de la prochaine parution de son bouquin sur la littérature contemporaine ET de son ignorance dans le domaine. Moi qui ne suis pas du tout spécialiste, je dois pouvoir situer à peu près les deux tiers des signataires ; alors qu'en fait je ne suis qu'un lecteur, un peu concerné c'est vrai, mais qui achète ses livres chez son libraire comme tout le monde. (Enfin, comme tout le monde...)
Réponse de PhA le 22/09/2012 à 17h23
Mais n'est-ce pas un certain Patrick Besson qui se moquait de l'accent d'Eva Joly lors des dernières élections présidentielles ?! Il semblerait que cet homme soit malencontreusement trop souvent inspiré par un dédain pernicieux - mal éclairé.
Commentaire n°4 posté par tor-ups le 22/09/2012 à 10h51
Oui, ça situait déjà le bonhomme.
Réponse de PhA le 22/09/2012 à 17h26
Oui, c'est le même...confondant allègrement accent norvégien avec accent allemand - comme Lagerfeld qui a encore moins d'excuses parce que plus intelligent, mais si macho et terriblement dénué de modestie !
Que peut-on faire avec un tel bonhomme qui croit faire de l'humour mais démontre juste sa bêtise, sa jalousie et sa méchanceté ? Le fuir ! 
Commentaire n°5 posté par Françoise le 22/09/2012 à 15h30
Heureusement, on peut aussi en rire.
Réponse de PhA le 22/09/2012 à 17h28
Je ne sais pas de quoi tu parles, Cher Philippe Annocque (qui est-ce ?), ni qui sont ces gens dont il est question, ni même à quelle question tu réponds, moins encore si ta réponse appelle une riposte de police, ou est-ce un rebond dans Libération, mais la tonalité très Ric Hochet de ton article illumine mon samedi. Vivement la suite (le feu aux poudres avant le grand incendie) !
Commentaire n°6 posté par David Marsac le 22/09/2012 à 19h53
(Dois-je l'avouer ? La bêtise de Patrick Besson me met en joie.)
Réponse de PhA le 23/09/2012 à 09h46
Je serais presque tenté de défendre Patrick Besson, par pur esprit de contradiction, même si là c'est difficile (déjà parce que je suis sûr qu'il n'a jamais entendu parler de mes livres, ce qui en effet est vexant). Je l'ai pas mal lu vers 13-14 ans, quand j'étais aux jeunesses communistes, car à l'époque c'était un rouge un peu officiel, qui publiait des recueils de chroniques humoristiques (et qui me faisaient rire) aux défuntes éditions Messidor, pendant l'ère Lajoinie (toute une époque). Je crois me souvenir que "Dara", un de ses premiers livres, sur sa mère, est assez beau. Voilà, c'était la minute du médiateur. ;-)
Commentaire n°7 posté par Didier da le 23/09/2012 à 13h36
Je te crois volontiers. Ça nous donne une idée de ce à quoi nous risquons de ressembler quand nous aurons son âge. Ce n'est pas rassurant.
Réponse de PhA le 23/09/2012 à 14h21
Merci !
Je suis d'ailleurs surpris que vous soyez le seul à relever ce papier aussi grotesque qu'abject, où le nom de l'un des plus importants éditeurs de poésie contemporaine n'est que le prétexte à un jeu de mot sur Cauet, et où sont superbement ignorés des auteurs comme Céline Minard, Mathias Enard, Alban Lefranc, Mathieu Larnaudie, Christian Pirgent - et j'en passe, tout cela, au final, pour faire la publicité de son bouquin - qui se veut sans doute la version ignorante et satisfaite de La littérature sans estomac de Pierre Jourde.
Commentaire n°8 posté par B-Joe le 27/09/2012 à 15h40
Pour être honnête, je dois préciser qu'Alain Nicolas avait dejà pointé dans l'Huma l'imparable argument d'ignorance brandi sans honte par Patrick Besson. Mais vous avez raison : l'absence de réactions à un tel tissu d'âneries est notable - et révélateur d'une ignorance bien plus générale que celle du seul Besson. Remarquez que l'ignorance est nécessaire au succès de son bouquin - comme d'ailleurs à bien d'autres succès : au royaume des aveugles...
Réponse de PhA le 27/09/2012 à 16h32

vendredi 21 septembre 2012

conseil de saison

Pour se faire connaître, mieux vaut dire (ou écrire) des conneries que de se taire.
Alors voilà, quoi.


Commentaires

Ben tiens!
Commentaire n°1 posté par Michèle le 21/09/2012 à 11h12
Faut l'dire.
Réponse de PhA le 21/09/2012 à 14h23
Petite colère du matin ? !
Commentaire n°2 posté par gab le 21/09/2012 à 11h22
Oui, c'est ma toilette.
Réponse de PhA le 21/09/2012 à 14h25
voilà pourquoi je mets des commentaires sur tous les blogs ! ;-)
(non, pas tous ! ceux que j'apprécie)
Commentaire n°3 posté par Mme de K le 21/09/2012 à 11h38
Voilà : c'est comme ça que ça commence.
Réponse de PhA le 21/09/2012 à 14h30
Bon, alors je vais écrire. (Comment fait-on?)
Commentaire n°4 posté par Depluloin le 21/09/2012 à 13h48
C'est bien. Alors déjà on ouvre sa trousse, on sort son stylo à bille parce que avec le plume on risque de faire des taches, voilà, comme ça, c'est bien...
Réponse de PhA le 21/09/2012 à 14h28
 

dimanche 16 septembre 2012

ces questions que le vent transporte

Notamment celle-ci, plutôt le matin, quand il souffle de l’est (parce que d’ici elle est à l’est) : Est-ce vraiment la station d’épuration qui sent le chou-fleur ? Ne serait-ce pas plutôt le chou-fleur qui sent la station d’épuration ?
Bon dimanche quand même.

vendredi 14 septembre 2012

Eric Chevillard, l’Auteur et moi, et moi.


http://www.leseditionsdeminuit.fr/images/3/v_9782707322524.jpg 
Eric Chevillard vient de publier un nouveau livre : L’Auteur et moi.
Plus précisément : Eric Chevillard est l’auteur de l’Auteur et moi et moi je suis le lecteur.
En outre, si l’on y regarde de près, il y a un auteur dans l’Auteur et moi et l’auteur de l’Auteur et moi est l’auteur d’une partie de l’Auteur et moi, donc on peut supposer que cet auteur est une partie d’Eric Chevillard.
Cependant Eric Chevillard est tout entier dans l’Auteur et moi, moi qui l’ai déjà beaucoup lu j’ai bien regardé il m’a bien semblé qu’il ne manquait rien de lui – pas même moi.
Mais moi bien sûr même si je suis auteur je ne suis pas Eric Chevillard ni même à sa hauteur, d’autant plus depuis qu’il est l’auteur de l’Auteur et moi et non de l’Auteur est moi même si l’auteur c’est lui.
Oui vous avez bien compris que l’auteur de l’Auteur et moi est aussi un personnage de l’Auteur et moi puisqu’il est question de l’auteur dans l’Auteur et moi.
Et de moi aussi, qui bien sûr n’est pas moi mais dont on ne peut pas affirmer en toute certitude que c’est lui.
Car moi aussi est un personnage qui n’est pas nécessairement l’Auteur sinon le livre évidemment se serait intitulé l’Auteur est moi et non l’Auteur et moi ; moi donc n’est pas nécessairement l’Auteur mais peut-être quand même après tout l’auteur. Eric Chevillard. Ou pas.
 
Oui : vous avez compris qu’on ne ressort pas indemne de la lecture de l’Auteur et moi. Me voici à l’évidence tout à fait incapable de rendre justice à l’Auteur et moi ni à son auteur tant cette lecture m’a remué, retourné, tourné la cervelle en chou-fleur – comme si sa forme ne suffisait pas sa consistance de béchamel aussi l’y prédisposait. Car l’auteur, l’Auteur et moi et moi avons sans doute une sensibilité commune, que nous préférons figurer par notre aversion pareillement commune pour le gratin de chou-fleur, que je mange pourtant moi aussi par politesse, nos mamans nous ont bien éduqués, mais dont jamais pourtant malgré tout ce que je pense de la grumeleuse question du sujet je n’ai osé faire le sujet de tout un livre. Tant pis pour moi, Eric Chevillard l’a fait, il ne me reste plus que les endives, voilà ce que c’est de traînasser dans la queue à la cantine. Des endives dont je ne pourrai quasi rien faire, il n’y a plus de béchamel et rien pour les gratiner, Eric Chevillard est passé avant. Voilà pourquoi je n’écrirai jamais ce livre sur le gratin d’endives que tout le monde attendait ardemment depuis des lustres. Vous connaissez le coupable. Lisez-le.
 
Les avis gourmands de quelques autre convives, par le parfum de la truite aux amandes alléchés : Claro, François Bon et Pierre Jourde.


Commentaires

J'ai un doute - puisque je n'ai pas encore lu L'auteur et moi. J'ai un doute quant à ce jeu avec le lecteur, avec la lecture donc, et au final avec la "chose" littéraire vue comme une satisfaction intellectuelle. (Chevillard à l'évidence, "se satisfait" un mot autrefois employé pour désigner un certain acte solitaire.) Je fais peut-être là un mauvais procès. Mais si je suis dans l'excès, je ne le suis et le serai jamais autant que François Bon dont le dernier billet m'a laissé sur le cul vraiment. Pas seulement moi. 
Si les années m'ont appris quelque chose, c'est que tout acte créateur, toute création, se doivent d'être généreux. Et je ne crois pas qu'il y ait de la générosité à ne satisfaire que la construction intellectuelle d'un texte, en l'occurrence. Certes, Chevillard sait produire un creux mais il me semble qu'il s'agit d'un creux dans l'acte même de lire, et non celui q'on pourrait qualifier d'existentiel. Car je soutiens que Beckett (oui!) "possédait" son sujet, que sujet il y avait, et que sa générosité, immense, le poussait à satisfaire le lecteur.
Bon, ce commentaire improvisé n'est-ce pas...
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 14/09/2012 à 15h08
Vous avez bien compris, cher Depluloin, que ce billet est bien moins un commentaire de texte - on m'a trop bien appris à en faire pour que j'en aie encore l'envie - qu'une injonction à la lecture qui ne saurait souffrir la moindre discussion. Aussi n'y ai-je pas dit à quel point l'auteur se livre - se livre lui-même dans ce texte. Peut-être suis-je le seul, mais c'est tout juste si ses lignes ne me tirent pas des larmes - pas seulement de rire ; car l'humour chez lui est la politesse d'un désespoir transfiguré par l'élégance - comme c'était le cas déjà dans Choir ou dans Sans l'orang-outan. On est bien au-delà de la simple construction intellectuelle.
Réponse de PhA le 14/09/2012 à 15h43
Mais oui! c'est tout à fait lui!
(PLuplu! au coin! non mais!)
Commentaire n°2 posté par alena le 14/09/2012 à 15h57
Tiens, la bonne surprise !
Réponse de PhA le 14/09/2012 à 17h55
Bon sang ! Pas François Bon - qu'il veuille bien me pardonner - mais PIERRE JOURDE !!! PIERRE JOURDE qui de toute évidence a pris un échant coup de soleil !! 
(Pouvez-vous rectifier Philippe?)
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 14/09/2012 à 16h46
Mais Pierre Jourde AIME Chevillard. De toute éternité. C'est une des vérités essentielles de ce monde. D'ailleurs quand je l'ai découvert - dans sa Littérature sans estomac, comme beaucoup de monde -, Chevillard était le seul auteur parmi tous ceux qu'il évoquait dont j'aie lu quelque chose - curieusement, j'avais échappé à tous ceux qu'il éreintait ; ça me l'a tout de suite rendu sympathique.
Réponse de PhA le 14/09/2012 à 18h03
Bon, parce que c'est vous, Philippe : je veux bien laisser une autre chance à Chevillard ! :)
Commentaire n°4 posté par Depluloin le 14/09/2012 à 16h48
C'est bien.
Réponse de PhA le 14/09/2012 à 18h03
Pas lu le dernier Chevillard mais je pense que toute construction "intellectuelle" ayant pour sujet le moi (et donc aussi les autres) est d'elle-même acte de générosité puisqu'elle donne à voir ou à entendre l'état ou le mouvement d'un être (Rousseau se livrait aussi à des "confessions" solitaires).
La litérature se penche régulièrement sur elle-même : le stade du miroir se doit d'être "polishé" à maintes reprises et reprend alors son éclat.
Commentaire n°5 posté par Dominique Hasselmann le 16/09/2012 à 12h29
Cherchons l'être derrière la lettre.
Réponse de PhA le 18/09/2012 à 16h46
Bon! Je me précipite. Sur l'Auteur.
Commentaire n°6 posté par Michèle le 17/09/2012 à 16h34
Vous avez raison : ne le laissez pas s'échapper.
Réponse de PhA le 18/09/2012 à 16h47
merci de votre attention, Philippe.
Mais je vous retourne le mot et j'ai hâte de lire votre prochain ouvrage.
Commentaire n°7 posté par alena le 18/09/2012 à 21h32
Avec un peu de retard (mais je suis le lièvre d'Alice ces temps ci) je me réjouis doublement : Chevillard vient de publier (c'est Jourde qui me l'avait fait découvrir) et votre billet est plus drôle que ceux que vous citez. 
Commentaire n°8 posté par Zoë Lucider le 19/11/2012 à 22h41
C'est un grand Chevillard, vraiment - et qu'on apprécie encore plus quand on connaît déjà un peu l'auteur.
Réponse de PhA le 21/11/2012 à 18h10

samedi 8 septembre 2012

porte à porte

La chatière mettrait plus efficacement la porte en abyme si vous vouliez bien aider la souris à passer par la souricière.
 
La porte est donc sans doute une hommière qui s’ignore.
 
Quant à la gentilhommière, on voit bien ce qu’elle doit à la folie des grandeurs de son propriétaire qui, non content de pouvoir l’ouvrir et la fermer, a construit autour une coquette demeure, fait pousser des arbres et couler des rivières, enfin l’a ceinte de tout un monde encore dans le seul but de s’en retirer. 

jeudi 6 septembre 2012

La blonde et le bunker

La collection
 
Des bandes magnétiques, des négatifs : Gray ne fut pas surpris. Au contraire, il s’estimait encouragé. Le rédacteur du Bilan provisionnel du sous-comité des archivistes tenait ces données du relativement célèbre professeur Wazski (fils du chef d’orchestre Warski) qui enseignait, dans une grande université américaine, cette discipline bâtarde qu’est l’histoire de l’art. Il avait évoqué, lors d’une conversation dont ne subsistaient que ces quelques notes prises hâtivement sur du papier bleuâtre, les circonstances thermiques de la collection (en devras Celsius d’abord, ce qui suggérait qu’il tenait ces informations d’un Européen). Pas une fois il n’aborda la question du contenu. Tout indiquait néanmoins que le professeur s’était intéressé de près à. la collection. On prétendait qu’il avait eu, à une époque, l’intention d’y consacrer un article, devenu ensuite un projet de livre (ou était-ce l’inverse – un projet de livre dégradé en article, on ne savait plus). Il en suivait les migrations, qu’il répertoriait dans une manière d’éphéméride. Peut-être même y avait-il eu accès.
Un jour, il l’avait, devant témoin, appelée d’un autre nom que celui qu’on lui donnait communément.
–  Un autre nom ? Quel autre nom ?
– Le professeur Warski a quitté l’université sans se retourner, fut l’étrange réponse qui lui fut faite.
– Mais il s’agit bien de la collection Castiglioni ? s’enquit Gray, craignant de lâcher la proie pour l’ombre.
– Je crois. On n’est jamais sûr, vous savez. Peut-être était-ce le titre qu’il comptait donner à ses travaux. Peut-être était-ce un lapsus.
– Quel autre nom ?
– La collection Eurydice, admit le rédacteur du bout des lèvres.
 
 
Jakuta Alikavazovic, La blonde et le bunker, p. 71-72, L’Olivier, 2012.
 
La menace de l’inexistence est un beau sujet érotique. (J’aime les romans quand ils racontent autre chose que ce qu’ils disent.)
 
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