vendredi 24 janvier 2014

Patrick Besson en Harley Davidson


« Je me suis fait un petit plaisir : au Gibert Joseph situé à deux pas de la Grande Bibliothèque, j’ai acheté Pour Éric Chevillard (Éditions de Minuit, 12 euros), ouvrage au titre militant signé de quatre personnes qui m’étaient jusque-là inconnues », lis-je sous la plume de Patrick Besson, et d’un coup je me souviens. Je me souviens que j’ai naguère commis sur ces Hublots un article que j’ai intitulé (je me rends compte aujourd’hui de ma légèreté) Patrick Besson ou l’étalage de l’ignorance satisfaite. En effet, naïvement, je croyais Patrick Besson juste fier de son ignorance et même si à mon avis il en rajoutait j’avais jugé une telle attitude peu glorieuse. Jugement un peu rapide, je le reconnais. Je me repens. Car il y a quelque chose de grand, chez Patrick Besson. Déjà, son ignorance, il ose la regarder en face ; même, il la relativise : il avoue que le nom de Tiphaine Samoyault lui dit vaguement quelque chose. Du coup il l’appelle affectueusement Tiphaine. Tiphaine par-ci, Tiphaine par-là. Il n’est pas absolument certain que c’est la même Tiphaine, mais peu importe.
Je ne devrais pas me moquer. Il ne faut pas que je me moque. Car moi aussi, savez-vous, je me suis fait le petit plaisir d’acheter Pour Eric Chevillard (chez Labyrinthes, situé à deux pas de la poissonnerie de la rue Chasles). Voyez tout ce que Patrick Besson et moi avons en commun, même dans les petits plaisirs. Je ne vous en parle pas parce que je ne l’ai pas encore lu. Et moi aussi, je l’avoue, je connais le nom de Tiphaine Samoyault. Mais je connais aussi celui de Pierre Bayard (co-auteur du même Pour Eric Chevillard) ce qui me place quand même un degré en-dessous de Patrick Besson, sur l’échelle de l’ignorance. Heureusement que je ne l’ai pas encore lu (même si, je le confesse, j’ai déjà lorgné dangereusement certains de ses livres). Je suis peut-être sauvable, après tout. Qui sait, mon ignorance a peut-être de l’avenir : je ne connais, je l’avoue sans honte, encouragé que je suis par Patrick Besson, ni Bruno Blankeman ni Dominique Viart, les deux autres co-auteurs.
Car il est clair que c’est l’exemple d’un vaste ménage intérieur que nous offre Patrick Besson. Lui qui fut probablement autrefois un homme cultivé, voici qu’il a décidé de ne plus rien connaître, rien ni personne ; his name is Pat Besson, attention à la prononciation. Comprendre aussi est un crime, méfiez-vous. Je me rappelle avoir souri en lisant ce titre, Pour Eric Chevillard, je trouvais ça drôle, bien trouvé. Horreur. Un excédent de culture aura encore eu raison de moi : il s’agit d’un « titre militant ».
Je me repens. C’est bien Besson qui rime avec raison. La connaissance est vouée à la disparition, l’huître et la patate s’en passent à merveille. Nos connaissances communes représentent déjà si peu, en regard de tout ce que nous ignorons de concert. Communions plutôt tous ensemble dans l’ignorance. Creusons encore davantage cet abîme délicieux. C’est la voie du succès et le meilleur chemin vers l’entente universelle, et nous avons trouvé notre prophète.
 

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