lundi 24 mars 2014

Mon jeune grand-père (30)

Le 14 avril 1917. Mes chers parents. 14. Donc celle-ci c’est bien 1917.
J’ai reçu pas mal de courrier ces quatre jours-ci. Ce sont les cartes de Papa des 23 24 26, 27 28. 29. 31 et la lettre de maman du 1er avril. Comme colis j’ai reçu les paquets postes n° 11. 15. 16 et les colis gare n° 12. 13. 14. Tout est arrivé en bon état. Je confirme ce que je vous ait dit ma précédente carte (« dans » manque) au sujet de paquets poste, j’aimerais mieux en recevoir mieux si cela ne vous dérange pas car on perd un temps énorme à la distribution. C’est en effet ce que disait Edmond dans sa carte du 10. Je me dis qu’il y a peu de chances que ses parents l’aient déjà reçue. Nous sommes à court de thé en ce moment et on n’en vend plus ici, envoyez-moi une certaine quantité pour en avoir un peu d’avance (« un peu » rature d’autres mots illisibles). Voulez-vous me mettre aussi quelques lames Gillette pour mon rasoir. Des lames Gillette, je vais en manquer bientôt. Mon jeune grand-père se rasait déjà avec la même marque de lames que son jeune petit-fils – car il y a bien longtemps qu’au lieu de me raser Gillette je me tonds à la Remington. La Remington. Mais c’est une autre histoire. Le gris Deverly a de la chance. Je ne suis pas sûr de bien lire. A moins que ce ne soit Le gros Deverly a de la chance. Mais « Deverly », ça ne me dit rien. Je ne vois ce que viendrait faire Beverly dans ce contexte mais de toute façon ça ressemble plutôt à Deverly. Bon. Lisons donc Le gros Deverly a de la chance, il est vrai qu’il a bien le droit de se reposer un peu. Présentez-lui aussi mes amitiés. Cette pauvre tante sera en effet mieux là-bas, d’autant plus que ce doit être plus calme maintenant et puis ce n’est peut-être pas pour longtemps. Quelle tante ? Où ? Pourquoi ? Les (je n’arrive pas à lire ; je lis « cables », ça ne peut pas être ça) ne sont pas trop rassis quand ils arrivent, ils sont encore très bons. Maman fait bien d’augmenter les œufs : ils arrivent toujours en bon état et c’est certainement ce qu’il y a de plus agréable à manger. Ici le temps est assez beau maintenant, il paraît qu’il n’en est malheureusement pas de même chez vous. Chez vous. Je crois qu’Edmond est parti à la guerre avant que mon arrière-grand-père ne soit nommé à Quimper. Alors, « chez vous », d’accord. Je suis depuis quelques jours en relation avec un Russe à qui j’apprends le français et avec qui en échange je parle allemand. J’espère que Louis sera enfin arrivé et qu’il aura fait un bon voyage. Ne t’inquiète pas pour Louis, allez.
Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis, Madeleine,  Jean et toute la famille.
Votre fils qui vous aime de tout son cœur. Edmond

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