lundi 23 juin 2014

métamorphose de Marie Cosnay


Marilyne Peau, je la vois sur scène, se décompose en une multitude de petits espaces cubiques qui vont donner lieu à l’apparition de nouveaux personnages, un personnage roux d’abord, qu’on appelle le frère. Le frère parle à Marilyne Peau, assise par terre, forçant sa souplesse dans des exercices gymnastiques répétés. La sœur répond au frère sur un ton léger. Le photographe fait son apparition, encourage Marilyne Peau, il dit qu’elle retrouvera son niveau des débuts et la colère ou la rage ou la volonté, enfin l’énergie. Le petit déhanché qu’elle a acquis sera sa particularité. Il dit que tous ensemble ils y arriveront. On voit Marilyne Peau triste et douloureuse, puis ils fument des cigarettes tout en regrettant que la vie ne soit plus la chose continue, unie, qu’elle était. Marilyne Peau a un peu bu, pendant ce temps on creuse les tunnels. La nuit, après avoir beaucoup parlé, tout le monde creuse et prépare. Parfois il faut s’arrêter. Le frère empêche Marilyne Peau de boire, il la pousse à s’entraîner encore et il s’entraîne avec elle et s’entraînent avec eux tous ceux qui se cachent avec eux, les voilà qui s’assouplissent, jambes écartées, face à moi, à nous. Le directeur de la compagnie chorégraphique, lui, ne s’entraîne pas. Il semble, whisky et pelle à la main, un peu découragé.
 
Marie Cosnay, Des métamorphoses, p. 56-57, Cheyne, 2012.
 
Le soir le lecteur lit Des Métamorphoses de Marie Cosnay puis le lendemain oubliant qu’il est aussi le lecteur se recompose en professeur qui se dit que ce serait dommage quand même, après avoir étudié avec ses 6e cet extrait du Déluge, celui de la Bible, de ne pas leur lire aussi comment Ovide le raconte dans ses Métamorphoses. Et le voici qui lit, l’attention est raisonnable quand même malgré l’été venu, Deucalion et Pyrrha inspirent la sympathie. L’oracle de Thémis fait lever les sourcils, quand même, jeter derrière soi les os de sa mère, quelle drôle d’idée ; Pyrrha est d’accord avec les élèves. Je leur dis, C’est comme ça, les oracles ne sont pas immédiatement compréhensibles ; j’aurais dû leur dire, Il faut se laisser comprendre. C’est de retour à la maison que le professeur se décompose recompose de nouveau, redevient lecteur, s’étonne que ses divers soi-même ne communiquent pas davantage entre eux ; Marie Cosnay, Marie Cosnay qui par ailleurs traduit Ovide et ses Métamorphoses, devient la sibylle.
 

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