jeudi 30 janvier 2014

Mon jeune grand-père (24)

  Le 20 mars 1917 Mes chers parents
  Je n’ai reçu ces quatre derniers jours que les cartes de Papa des 5 et 6 mars. Comme colis j’ai reçu le n°6 gare et les n°s 18.20.22.23.24. Pour l’instant ça marche. Comme je vous l’avais annoncé (mais je n’en vois pas trace dans les cartes précédentes), dimanche soir nous avons fait un petit gueuleton pour fêter mes 23 ans ; nous étions 4. D s’était surpassé et avait fait un repas épatant (soupe au jambon, salade de thon pommes de terre, jambon et légumes au beurre, rôti de veau, petits pois, poulet (ou poule, la fin du mot est écrasée contre le bord de la carte) sauce blanche, gâteaux, tarte aux abricots, vins de Bordeaux). Vous voyez que nous ne sommes pas trop à plaindre en ce moment. Et vous comment allez-vous en ce moment ? Bien sûr la répétition m’arrête : « en ce moment ». Un peu plus haut il y a aussi « pour l’instant ». Et puis je me dis que si les choses ne vont pas mal, ce ne peut être en effet qu’en ce moment, ou pour l’instant. Ne comptez-vous pas déménager bientôt ? Et Louis, que fait-il ? Il doit avoir de l’ouvrage en ce moment. J’ai reçu la facture de ma commande de Kerbschnitt, il n’y a que mes outils, les objets demandés manquent pour le moment et ne me seront envoyés que plus tard, ce qui fait que je suis obligé d’interrompre mes travaux pour l’instant. Moi qui m’interroge souvent sur l’origine de mes propres tics d’écriture, je me dis que celui de mon jeune grand-père est sans doute celui de toute une génération, pour qui tout n’était que « pour l’instant ». La neige a complètement disparu cette fois, c’est le dégel, aussi la boue est-elle grande dans le parc. Pour le vêtement que je vous ai demandé dans ma dernière carte envoyez-moi quelque chose à bon marché, pas trop salissant et ne pouvant être retenu par l’autorité allemande comme vêtement civil pouvant servir à une évasion. Le mot vibre un peu quand je le lis. Ma santé est très bonne pour l’instant Pour l’instant, encore. Ce n’est pas juste une répétition, c’est une prescience, le moral surtout est très bon.
Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis et toute la famille.
Votre fils qui vous aime de tout son cœur. EAnnocque

mercredi 29 janvier 2014

SMS littéraire

Vraiment, vous êtes écrivain ? Dans quel sexe ?

SMS zoologique

Le blaireau européen est un mammifère carnivore de la famille des mustélidés et du sexe Meles, comme ses proches parents le blaireau d'Asie (Meles leucurus) et le blaireau japonais (Meles anakuma). Le blaireau américain appartient pour sa part au sexe Taxidea.

SMS de la terrasse

Ouais elle est jolie mais c'est pas trop mon sexe de femme, trop BCBS à mon goût.

SMS éducatif

L'adjectif qualificatif s'accorde en sexe et en nombre avec le nom ou le pronom auquel il se rapporte.

vendredi 24 janvier 2014

Patrick Besson en Harley Davidson


« Je me suis fait un petit plaisir : au Gibert Joseph situé à deux pas de la Grande Bibliothèque, j’ai acheté Pour Éric Chevillard (Éditions de Minuit, 12 euros), ouvrage au titre militant signé de quatre personnes qui m’étaient jusque-là inconnues », lis-je sous la plume de Patrick Besson, et d’un coup je me souviens. Je me souviens que j’ai naguère commis sur ces Hublots un article que j’ai intitulé (je me rends compte aujourd’hui de ma légèreté) Patrick Besson ou l’étalage de l’ignorance satisfaite. En effet, naïvement, je croyais Patrick Besson juste fier de son ignorance et même si à mon avis il en rajoutait j’avais jugé une telle attitude peu glorieuse. Jugement un peu rapide, je le reconnais. Je me repens. Car il y a quelque chose de grand, chez Patrick Besson. Déjà, son ignorance, il ose la regarder en face ; même, il la relativise : il avoue que le nom de Tiphaine Samoyault lui dit vaguement quelque chose. Du coup il l’appelle affectueusement Tiphaine. Tiphaine par-ci, Tiphaine par-là. Il n’est pas absolument certain que c’est la même Tiphaine, mais peu importe.
Je ne devrais pas me moquer. Il ne faut pas que je me moque. Car moi aussi, savez-vous, je me suis fait le petit plaisir d’acheter Pour Eric Chevillard (chez Labyrinthes, situé à deux pas de la poissonnerie de la rue Chasles). Voyez tout ce que Patrick Besson et moi avons en commun, même dans les petits plaisirs. Je ne vous en parle pas parce que je ne l’ai pas encore lu. Et moi aussi, je l’avoue, je connais le nom de Tiphaine Samoyault. Mais je connais aussi celui de Pierre Bayard (co-auteur du même Pour Eric Chevillard) ce qui me place quand même un degré en-dessous de Patrick Besson, sur l’échelle de l’ignorance. Heureusement que je ne l’ai pas encore lu (même si, je le confesse, j’ai déjà lorgné dangereusement certains de ses livres). Je suis peut-être sauvable, après tout. Qui sait, mon ignorance a peut-être de l’avenir : je ne connais, je l’avoue sans honte, encouragé que je suis par Patrick Besson, ni Bruno Blankeman ni Dominique Viart, les deux autres co-auteurs.
Car il est clair que c’est l’exemple d’un vaste ménage intérieur que nous offre Patrick Besson. Lui qui fut probablement autrefois un homme cultivé, voici qu’il a décidé de ne plus rien connaître, rien ni personne ; his name is Pat Besson, attention à la prononciation. Comprendre aussi est un crime, méfiez-vous. Je me rappelle avoir souri en lisant ce titre, Pour Eric Chevillard, je trouvais ça drôle, bien trouvé. Horreur. Un excédent de culture aura encore eu raison de moi : il s’agit d’un « titre militant ».
Je me repens. C’est bien Besson qui rime avec raison. La connaissance est vouée à la disparition, l’huître et la patate s’en passent à merveille. Nos connaissances communes représentent déjà si peu, en regard de tout ce que nous ignorons de concert. Communions plutôt tous ensemble dans l’ignorance. Creusons encore davantage cet abîme délicieux. C’est la voie du succès et le meilleur chemin vers l’entente universelle, et nous avons trouvé notre prophète.
 

mercredi 22 janvier 2014

Mon jeune grand-père (23)

Le 16 mars 19167 - Mes chers parents.
J’ai reçu ces 4 derniers jours un peu plus de courrier, c’étaient les cartes de papa des 27 et 28 - 1er - 2 - 3 mars et la lettre de maman du 4. J’étais bien ennuyé de savoir que vous ne receviez rien de moi, mais en ce moment tout marche si mal. Et encore il ne faut pas que je me plaigne, je suis parmi les privilégiés. Je vous en avais en effet bien écrit le 3 févr, c’est cette carte qui est perdue. Elle ne contenait heureusement rien d’important. Aucune carte ne contient plus quoi que soit d’important. Il n’y a pas de nouvelles. Les nouvelles disent qu’il n’y a pas de nouvelles. Envoyez-moi une chemise car j’en ai une bonne à mettre à la réforme. N’oubliez pas de me mettre de temps en temps des lacets, car on les vend ici un prix exhorbitant. Les colis postes arrivés portaient les n°s 13-14-15-16-17-19 et 21 et un colis de pain du 10 févr. Le temps est beau aujourd’hui, le soleil luit, et ça dégèle. Aussi le parc est-il un vaste marécage, on ne peut guère y aller que le matin, car à cette heure-là le sol n’est pas encore dégelé, car il gèle encore assez fort la nuit. Je ne reçois toujours pas de nouvelles de l’oncle M (j’hésite entre M et D) et de ma tante Marie (et là encore une fois j’hésite entre Marie et Maria), leurs dernières cartes étaient respectivement du 21 nov. et 12 déc. Je ne suis pas le seul dans ce cas-là du reste. Le Kerbschnitt marche toujours, mais je suis forcé d’aller doucement car ma commande n’arrive pas. Merci à Wabaud, D et moi lui envoyons aussi nos amitiés (je choisis « nos » mais le mot est illisible). Je ne sais pas qui est Wabaud, dont je recopie le nom peut-être de travers. Apparemment cela semble indiquer que Daussy et Edmond se connaissaient avant leur captivité.
« Captivité », le mot me vient tout naturellement. Je me rends compte que je l’ai entendu bien souvent, depuis longtemps. A propos de mon grand-père. « Pendant sa captivité. »
Bien sûr me jeune grand-père ne va pas à la ligne, pas la place. C’est juste moi, pour indiquer mes pauses. J’ai tapé «  Wabaud » sur Google ; ça ne donne rien. Alors j’ai essayé « Walrand ». Tout compte fait ce doit être « Walrand ». Je reprends donc. Merci à Walrand, D et moi lui envoyons aussi nos amitiés. Il me fait l’effet d’un rude veinard_ Je ne connaîtrai sans doute jamais la nature de la veine de Walrand, qui lui vaut peut-être ce point curieusement étiré en tiret, pas plus que je ne saurai qui il était, mais je suis content pour lui.  Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis, Madeleine et Jean et toute la famille. (Il serait peut-être temps de m’envoyer pour l’été un pyjama (illisible) avec pantalon ou un complet en toile en tout cas qq chose de pratique et ne pouvant être porté hors du camp. Votre fils qui vs aime de tt son cœur. Edmond Et tout est si petit, si serré que la place a manqué pour fermer la parenthèse.

lundi 20 janvier 2014

Bip-bip-bip


Rien de tel qu’une bonne gueule de bois pour vous faire rempiler dans les responsabilités. Les miennes consistaient essentiellement en un jeu d’épreuves que j’avais omis de brosser dans le sens de la coquille. Après un laborieux savonnage des gencives et une franche bolée de Guronsan, je décidai avec enthousiasme de mériter mon salaire.
Introuvable. Le manuscrit que m’avait confié Vergegen n’était ni dans le bac à légumes du réfrigérateur, ni sous le tapis à franges du salon, ni entre le matelas et les lattes du parquet, ni même sur mon bureau de fortune. Il avait dû profiter d’une faute d’inattention mienne pour s’en aller crever dans le lointain et mythique cimetière des manuscrits.
J’essayai de remonter mentalement le cours des événements afin de situer l’instant précis où il m’avait faussé compagnie. Je me revoyais l’emporter au bistroquet j’avais voisiné avec mes deux tortionnaires, j’avais la vague impression de l’avoir ramassé dans le caniveau après notre altercation, je croyais même me souvenir que le pharmacien l’avait posé sur son comptoir avant de m’autopsier, mais tout ça demeurait plutôt confus. Est-ce que, par hasard, Nina la kiosquière…
Le téléphone bêla, interrompant une réflexion qui commençait déjà à s’émousser (et à m’épuiser).
C’était Vergegen en personne ! O, sublime coïncidence des âmes destinées à s’entre-sponsoriser dans le malheur !
– Mon petit Edme, c’est vous ?
– Quasi, monsieur Vergegen. Je comptais justement vous appeler à propos du travail que vous avez cru judicieux de me confier, mais qui…
– Brûlez-le, Edme, brûlez-le immédiatement. Vous vous rappelez ce que je vous ai dit en vous le remettant ? Les choses ont pris une certaine tournure depuis et… bon, brûlez-le sans attendre. Vous allez recevoir par coursier un nouveau jeu d’épreuves, avec les corrections qui s’imposaient, si je puis dire. C’est entendu ? Je compte sur votre concrétion. Vous êtes affilié, vous saurez gérer tout ça sans dérapage émotionnel ni double-bind scrupulaire.
– Euh… oui, bien sûr… Je comptais justement descendre acheter des allumettes.
– Interaction articulatoire : je savais que vous étiez le pivot de la situation. Allez, à bientôt, Edme !
Au revoir, monsieur Vergeg…
Bip-bip-bip.
 
Claro, les Souffrances du jeune ver de terre, Babel noir, 2013.
 
Voilà, comme ça le ton est donné. C’est le début des ennuis et le dernier Claro sauf que pas tout à fait puisque initialement paru en 1996 chez Fleuve noir et que notre homme qui a déjà été légèrement passé à tabac quelques chapitres auparavant a lui aussi corrigé son titre. (Comment ça ce roman n’est pas autobiographique ?) Donc ça a beau être en noir avec une tête de mort dessus, c’est quand même la franche rigolade assurée, les plaisirs de la langue en sus. Mercredi (après-demain, donc) à 19h, Claro est l’invité de l’indispensable librairie l’Alinéa, hélas un peu loin de ma forêt puisque sise au 227 rue de Charenton dans le XIIe (métro Dugommier), franchement allez-y si vous pouvez.
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgroABRUuE2JFhW4M1EoVnEktHGD5R2XvhVkGmtUH-xcC23ei9CXLysLFetc4O7kxcfuMcPzTYLPQKrP1pZ9-bN617NaALYQz8nb8dYxKzIKyAfSPdc28437C7w_Ro3A7GGv_e_by91e8Q/s1600/Capture+d%C2%B9e%CC%81cran+2013-10-10+a%CC%80+10.01.49.png

dimanche 19 janvier 2014

« À un euro, les livres ne se vendront pas plus... »

« À un euro, les livres ne se vendront pas plus – ce n’est pas le prix du livre qui est en jeu –, et, à ce tarif-là, le risque est que l’auteur lui-même n’y perçoive que le rabaissement de son travail », répond notamment Karine Tuil à Gaspard Koenig (vous pouvez aussi lire celle de Claro, tiens), Koenig qui visiblement digère mal les faibles ventes de son dernier livre et en veut aux libraires qui se permettent de (mal, forcément) conseiller le public alors que franchement on n’a pas besoin d’eux (c’est vrai quoi on a Amazon), et voue carrément la loi Lang aux gémonies. J’avoue que je suis peu tenté d’aller vérifier l’injustice qui est faite à ce garçon pourtant publié par un éditeur qui a les moyens, de ceux qui envoient leurs livres en grosses piles chez les libraires sans leur demander leur avis. En revanche, ce que j’ai déjà vérifié, c’est le propos de Karine Tuil : vous pouvez faire tout un grand rayon de livres à l’état neuf à un euro, parmi lesquels de très bons, parmi lesquels d’auteurs connus, voire de très bons d’auteurs connus, ça existe ; eh bien il n’y a personne pour se précipiter sur l’aubaine, que j’avais évoquée dans un précédent billet, tiens c’était il y a juste un an, et dont vous ne me ferez pas dire le nom. Assurément, non, la cause principale de la mévente du livre n’est pas dans son prix, priez pour le pauvre Gaspard. (A ce titre je m’étonne qu’un jeune homme aux idées libérales et marchandes, il a le droit, hein, soit naïf au point d’attribuer la difficulté de vendre à la seule impossibilité de baisser le prix. Quand j’ai voulu me débarrasser d’une voiture d’occasion mais en bon état et que j’ai eu la mauvaise idée de la proposer en dessous de son prix parce que j’étais pressé, personne n’en voulait. Du coup j’ai augmenté le prix et elle est partie tout de suite ; il ne faut pas dévaluer ce qu’on veut vendre, c’est du commerce élémentaire.) Le cas Koenig (joliment cacophonique) est tout de même intéressant, au-delà de son mépris pour les libraires qui osent donner des conseils de lecture. On peut donc ne pas vendre du tout sans écrire de la littérature expérimentale et être publié par un éditeur fauché. C’est instructif. Moi qui avais l’intention de proposer sous pseudo un porno-chic d’espionnage exotique aux éditions Grasset, je vais attendre un peu. Plus sérieusement, pour qu’un livre se vende, il lui faut de la visibilité ; ce n’est pas non plus le « marché » qui va tout décider. L’éditeur d’abord, le libraire ensuite (l’ordre est chronologique, hein) doivent être prescripteurs (sans parler de la presse parce qu’il est tard et j’ai encore des copies à corriger). Et pour cela il faut d’abord qu’ils méritent la confiance des lecteurs. C’est-à-dire, concernant les éditeurs, en tenant une ligne lisible et cohérente (en d’autres termes en ne publiant pas sous la même couverture absolument tout et n’importe quoi sans tenir compte de la qualité littéraire, ce qui dessert certainement les meilleurs auteurs Grasset par exemple), et pour les libraires, en s’engageant pour défendre en priorité les livres auxquels ils croient auprès des lecteurs auxquels ils croient – car on a encore le droit de croire au lecteur.

mercredi 15 janvier 2014

Eric Chevillard, le style et moi.


Chevillé au corps, le style est aussi une malédiction, comme tout ce qui nous constitue, il pèse. L’écrivain peut en être las, comme de son éternelle figure, de ses réflexes, de toutes ses façons d’être si prévisibles. C’est une ornière encore, même si elle s’écarte des sentiers battus, même si elle est moins rectiligne que l’ordinaire sillon, moins parallèle aux autres sillons, même si le tour d’esprit qui en ordonne le tracé est décidément mal adapté au joug conçu pour la double échine d’une paire de bœufs. Il va devoir s’y résoudre, pourtant, au risque aussi de la solitude et du malentendu.
 
Eric Chevillard, le désordre AZERTY, Minuit, 2014, p. 90-91.
 
Quiconque connaît un peu l’œuvre d’Eric Chevillard ne s’étonnera pas d’apprendre que le style lui est chevillé au corps, au lard et à l’art, la cause depuis longtemps était entendue ; mais personnellement je me réjouis qu’il le vive aussi comme une malédiction, il n’aurait plus manqué que sa félicité soit absolue et que son fidèle lecteur qui écrit aussi ses propres livres même pendant qu’il lit ceux des autres, je vous disais l’autre jour ce qu’il en était de mes égocentriques lectures, se morfonde tout seul dans la douloureuse conscience du sien. Un reste de décence me pousse à remettre à un prochain billet plus ouvertement personnel mon propre rapport au style, un peu de patience, j’y gémirai avec plus de précision. Le fait est tout de même que lorsque je lis « C’est une ornière encore, même si elle s’écarte des sentiers battus, même si elle est moins rectiligne que l’ordinaire sillon, moins parallèle aux autres sillons », je serais bien tenté de crier au génie de mon biographe, s’il ne poursuivait pas par « Il va devoir s’y résoudre » ; pas si vite mon bonhomme, parle pour toi, ce n’est pas demain encore que je renoncerai à n’être pas moi-même.
 
(Un scrupule me souffle que vous aviez peut-être envie de lire un authentique article sur ce tout nouveau livre d’Eric Chevillard, passez donc chez Claro.)
http://www.eric-chevillard.net/images/actualite/ledesordreazerty200.jpg

mardi 14 janvier 2014

Mon jeune grand-père (22)

Le 7 mars 1917 -  Mes chers parents.
   Je n’ai pas reçu grand courrier ces jours-ci : je n’ai reçu que les cartes de papa des 21 et 21 févr. Les paquets eux-mêmes n’arrivaient pas et j’en avais beaucoup en retard ; mais ce matin j’en reçu 9 ensemble ce qui fait que je suis à peu près à jour. Les colis reçus portaient les n°s 18-19-20-23-24-30-4-5-6-7-9-10-12. Il n’en manque donc plus que 2 ou 3. Que maman entortille d’un papier plus fort les paquets de farine, parce que voilà 2 fois qu’ils étaient abîmés et le contenu répandu dans tout le paquet. Tout le reste est arrivé en bon état. Le temps est redevenu très froid ; il gèle gèle assez fort et en ce moment même il tombe de la neige. Mon cadre avance tout doucement (j’avoue qu’à présent je n’attends de nouvelles que de ce travail, comme si c’était quelque chose d’essentiel – alors qu’en fait c’est quelque chose de matériel, la seule chose matérielle qui me vienne à l’esprit ; en dehors de ces cartes elles-mêmes), il sera fini dans 2 ou 3 jours. Pour Pâques nous faisons une exposition de tous les travaux de prisonnier. On fait éditer un catalogue avec la liste de tous les officiers du camp et avec la désignation des objets exposés. Ce sera un souvenir. Bien que débutant les camarades me forcent à exposer aussi. J’ai une paire de chaussures ressemellées (laissons ces deux l à ses chaussures ainsi ailées). Je continue toujours malgré le Kerbschnitt à travailler. Mon professeur a interrompu ses leçons d’anglais pendant quelque temps ; mais il va reprendre bientôt et on va travailler sérieusement. C’est très facile à apprendre, mais ce qui est ennuyeux c’est la prononciation. S’il avait vécu cinquante-cinq ans de plus je lui aurais dit comment seuls les cours de phonétique articulatoire m’ont permis d’acquérir un accent passable. Cinquante-cinq ans de plus c’était possible. Papa m’avait annoncé une fois la photo de Louis en casque (je ne suis pas sûr de bien lire, le « casque » est écrasé contre le bord de la carte) mais je ne l’ai jamais reçu.
  Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis, Madeleine et Jean et toute la famille.
Mes amitiés à tous les amis. Bonjour à Jacqueline et Michel. Votre fils qui vous aime de tt son cœur. Edmond

vendredi 10 janvier 2014

Les idées modernes d’Antoine Compagnon

Antoine Compagnon a des idées pour l’école. Accessoirement, il en a aussi sur les femmes : par exemple, concernant le métier d’enseignant,
« la féminisation massive de ce métier a achevé de le déclasser, c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer pour la magistrature. C’est inéluctable. Un métier ­féminin reste encore souvent un emploi d’appoint dans un couple. L’enseignement est choisi par les femmes en raison de la souplesse de l’emploi du temps et des nombreuses vacances qui leur permettent de bien s’occuper de leurs enfants. »
Mes collègues, très majoritairement des femmes en effet, apprécieront. L’une d’elles a d’ailleurs déjà répondu, inutile que j’en rajoute. Ou alors juste un peu, pour le plaisir. Parce que, à la décharge de notre bon Compagnon, il y a quand même bien une relation entre la féminisation de ce métier et son déclassement, qui personnellement m’a toujours paru évidente : le déclassement du travail féminin dans une société encore sexuellement inégalitaire se traduit très logiquement par le déclassement d’un métier quand celui-ci se féminise.
Mais hop, on n’est plus à un petit hysteron-proteron près quand on enseigne au Collège de France.
Allons, ne soyons pas injustes et ne nous focalisons pas sur ce détail somme toute anecdotique : ce n’était pas le sujet de l’interview. Voici que l’on demande à notre professeur de Collège (de France, hein) « Quelles réformes proposez-vous concernant le statut des enseignants, en pleine discussion au ministère ? » C’est qu’il en a, des idées :
« Mais, concernant le collège, qu’y a-t-il de dégradant pour un professeur de français d’enseigner aussi l’histoire ? » Certes, personnellement, le professeur de français de collège que je suis ne verrait rien de dégradant à enseigner l’Histoire. L’Histoire, en revanche, pourrait sans doute trouver à y redire. Un cours sur les champignons, pourquoi pas. Sans blague, je m’y connais mieux que mon pharmacien. Je pourrais aussi, pourquoi pas, donner quelques conseils de natation aux grands débutants. Mais l’Histoire, ma foi, j’ai trop d’estime pour mes collègues d’Histoire pour au pied levé prétendre les remplacer.
Bien sûr, je fais l’imbécile. Il suffirait de former les enseignants pour ça. Ça se fait d’ailleurs dans d’autres pays. Ça se faisait aussi en France, d’ailleurs. On appelait ça les PEGC : professeurs d’enseignement général de collège. En 1969.

dimanche 5 janvier 2014

Raymond Roussel, Joachim du Bellay et moi

Raymond Roussel, Joachim du Bellay et moi


« Le procédé évolua et je fus conduit à prendre une phrase quelconque, dont je tirais des images en la disloquant, un peu comme s’il se fût agi d’en extraire des dessins de rébus.
Je prends un exemple, celui du conte Le Poète et ta Moresque (page 121 et page 253). Là je me suis servi de la chanson « J’ai du bon tabac ». Le premier vers : « J’ai du bon tabac dans ma tabatière » m’a donné : « Jade tube onde aubade en mat (objet mat) a basse tierce. » On reconnaîtra dans cette dernière phrase tous les éléments du début du conte. »
 
Bon, coupé comme ça à la va-comme-je-te-pousse on risque de ne pas bien comprendre mais si je vous dis que c’est chez Raymond Roussel et plus précisément dans Comment j’ai écrit certains de mes livres que je relève ce passage ce sera sûrement plus clair et si ça vous donne envie de le relire c’est ici.
Et tout de suite quelque chose en moi réagit qui n’est pas juste le lecteur. Car le goût de ce qu’on ne comprend pas bien a priori, ce goût du malentendu, il y a longtemps que je le cultive (parfois même au pied de la lettre). Formidable sujet, cela dit, le malentendu : on vit dedans. (Me dis-je tout en lisant Roussel qu’évidemment je prends pour moi, le malentendu aidant.) Et d’un coup je me souviens. (Parce que ça, j’avais complètement oublié. Mais alors complètement.)
C’était un poème de Du Bellay, que nous étudiions au lycée, c’était sans doute au lycée ; j’imagine que c’était en terminale, j’avais repris un peu de français en plus, c’était sûrement en terminale, parce que l’année suivante enfin bref. Retrouver le poème, ce n’est pas bien difficile. Tenez, c’est celui-là, dans l’Olive (je vous le fais avec l’orthographe moderne parce que je crois me souvenir que dans le Lagarde & Michard c’était l’orthographe moderne) :
 
Déjà la nuit en son parc amassait
Un grand troupeau d’étoiles vagabondes,
Et pour entrer aux cavernes profondes,
Fuyant le jour, ses noirs chevaux chassait;
 
Déjà le ciel aux Indes rougissait,
Et l’aube encor, de ses tresses tant blondes
Faisant grêler mille perlettes rondes,
De ses trésors, les prés enrichissait ;
 
Quand d’occident, comme une étoile vive,
Je vis sortir dessus ta verte rive,
O fleuve mien ! une nymphe en riant.
 
Alors, voyant cette nouvelle aurore,
Le jour honteux d’un double teint colore 
Et l’Angevin et l’Indique Orient.
 
Sur le thème donc bien connu de la belle Matineuse. J’ai dû découvrir ce poème par l’oreille avant l’œil, ignorant à l’époque que celui-ci était à l’intérieur de celle-là, et du coup je n’ai pas tout de suite compris le dernier vers. Ou plutôt, j’ai compris autre chose – qui n’allait pas du tout avec le reste du poème, évidemment. N’empêche que ça m’a travaillé, à l’époque, cette incompréhension. Tant et si bien que je me suis pris à réécrire le poème (ou plutôt un poème) avec en point de mire le vers final, tel que je l’avais compris à la première écoute. Et comme j’ai eu la bonne idée de ne rien jeter de mes vieux papiers (même si j’en ai perdu un peu), je le redécouvre aujourd’hui :
 
La belle est matineuse
 
« Pour mon salut je ferais sacrifice
De tout ce que je pus jamais rêver »
Ainsi crie-t-il à de rage baver
Dans les airs plane un obscur maléfice
 
« Ange divin sans peur et sans malice
Je cherche l’huis et ne le puis trouver
Fais la magie qu’il faut pour me sauver »
L’Etre dit « Soit Je ferai mon office »


Aux alentours le paysage fume
Sous le regard de l’Archange sans plume
Il tombe face à l’obscur Orient

Coule son sang que la ténèbre couvre
Le jour se lève et la porte s’entrouvre
Et l’Ange vient et l’indique en riant
 
 
Evidemment, comme le dit Roussel un peu plus loin dans Comment j’ai écrit certains de mes livres,
« Ce procédé, en somme, est parent de la rime. Dans les deux cas il y a création imprévue due à des combinaisons phoniques.
C’est essentiellement un procédé poétique. Encore faut-il savoir l’employer. Et de même qu’avec des rimes on peut faire de bons ou de mauvais vers, on peut, avec ce procédé, faire de bons ou de mauvais ouvrages. »
Tout de même, j’ai quelque plaisir à constater comment la confusion, au départ sonore et toute bête, devient sans doute un peu au-delà de moi-même le thème du poème (que j’ai commis il y a donc une bonne trentaine d’années et qui réclame votre indulgence). Et puis surtout, puisque se relire est aussi se relier, à voir comment la conscience de l’éventualité de prendre une chose pour une autre perdure encore dans ce que j’écris aujourd’hui.
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vendredi 3 janvier 2014

un divertissement selon Jean-Louis Bailly


Flore tremble de tous ses membres. On hésite en la voyant : a-t-elle été, dans son enfance, exagérément couvée, ou battue tous les samedis soir à coups de ceinturon par un père alcoolique ? Elle a gardé de l’une ou l’autre expérience un regard craintif, une voix incertaine, une tête à claques, mais Pierre a l’habitude et se retient.
 
Eric, beau gosse, bronzé, une figure de mode. Il n’a rien compris, rien retenu, rien à dire, mais il le dit bien, avec l’aplomb du jeune homme solidement installé dans la société de l’image, et qui se verrait bien faire carrière sur les podiums ou à la télé. Il explique, chez Marivaux, le mot bouffon : c’est un méchant.
 
Magali formerait avec le bel Eric un couple modèle, digne d’orner les couvertures de magazines pour moins de seize ans (Dossier : comment devenir une salope, Test : êtes-vous un don Juan). Son hâle, ses yeux qui en promettent, sa bouche savoureuse, sont des arguments si imparables qu’elle peut se permettre quelques approximations dans son analyse des « Correspondances » baudelairiennes. « Il personnalise un symbole, qui est le parfum », « Tout est unifié, donc ça unifie tout », « Les transports de l’esprit et des sens, c’est-à-dire que tout va mal » : l’essentiel y est, juge-t-elle, elle ressort contente.
 
Hélène lit avec ferveur, analyse pertinemment, use d’un vocabulaire précis sans être pédantesque, se passionne sans perdre le contrôle ni se noyer dans un lyrisme hors de saison. Elle défend son texte, et le défendrait contre tous les ignares, tous les décérébrés, tous les esclaves de l’immédiat. Regard intelligent, physionomie franche et jolies épaules… les fées n’ont pu être aussi généreuses sans arrière-pensées : elle finira mal. D’ailleurs, est-ce bien un service à rendre à ces jeunes gens que de leur fourrer dans la tête des goûts et une subtilité de mandarin, de les condamner à n’être plus compris de personne ?
 
Bertrand annonce la fin de la matinée. Pendant qu’il achève sa préparation, Pierre procède à un pointage : faits, cinquante-deux, à faire, cinquante-six, s’il n’y a pas d’absents. Cet après-midi, il passera le cap de la moitié. Il accueille donc Bertrand avec bonhomie, passe sur de menues irrégularités, les critiques que Voltaire use, la façon que c’est raconté, certainement dues à l’émotivité qui commence toujours par s’attaquer au pronom relatif. Il a, comme beaucoup de jeunes gens de sa génération, un maxillaire inférieur taillé à la serpe, un triangle aigu qui condamne les dents de sagesse à l’éradication et les molaires à la crise du logement. Où sont les mâchoires carrées dans quoi nous lisions la virilité et la détermination ? Où es-tu, John Wayne ?
 
Ce qui est étrange, c’est de constater (mais Pierre ne s’appesantit pas sur pareille remarque) que l’image de Lorraine survient aux moments les moins attendus. Ce n’est pas en écoutant la fine Hélène, ou en regardant les jolis yeux expressifs de Magali, que le souvenir de celle qu’il a tant aimée s’impose, perturbe le jeu, renvoie cet exercice artificiel et pipé à son artifice et à sa tromperie. Mais c’est le regard glissant de Fabien, l’assurance d’Eric, une intonation tremblée de la craintive Flore, qui convoquent la figure de celle qui leur ressemble si peu. Et c’est ainsi que des séances qui pensaient le distraire de son obsession l’y reconduisent à l’improviste, dix fois par jour. Que dix fois par jour il est de nouveau saisi par la stupeur qui a été la sienne quand il a su. Qu’à chaque heure il lui faut maîtriser son tremblement, se composer l’expression de neutralité bienveillante que l’on attend de lui, revenir à toute cette littérature alors que sa vie a quitté les rivages de la littérature, cette vie désormais sans art et sans profondeur autre que celle du chagrin, cette vie de chien laissé, de plante desséchée, de pie veuve.
 
Jean-Louis Bailly, Un divertissement, Louise Bottu, 2013, p. 90 à 92.
 
Car le divertissement en question, c’est bien l’oral du bac lui-même. Il a beau être pris dans le sens pascalien du terme, on devine (surtout quand on a eu l’occasion soi-même de faire passer cet examen) quelle tragédie cachée cette improbable assimilation recouvre. On la découvrira peu à peu, selon un récit alterné comme Jean-Louis Bailly sait les faire – rappelez-vous son récent Mathusalem sur le fil –, où le présent de l’examinateur détermine les chapitres. Chaque chapitre correspond à une journée, d’examen ou de congé ; douze au total. Le « divertissement » y étant tout de même naturellement insuffisant, la pensée de Pierre Helmont, le protagoniste, est l’occasion de retours en arrière lors desquels on découvre peu à peu le drame dont il cherche à se distraire. Comme c’était le cas avec la fin de la course absurde de Mathusalem sur le fil, dans Un divertissement aussi le terme est annoncé, puisque avec la fin du bac prendra fin le « divertissement » et que le protagoniste devra faire face à son deuil et au rôle qu’il y a joué ; point de mire pour le lecteur et point d’orgue pour l’auteur. Troublante également, la manière dont Jean-Louis Bailly prête une partie de son œuvre réelle à son personnage. Pierre Helmont, le héros d’Un divertissement, est supposé en effet être l’auteur de la Chanson du Mal-Aimant, le plus long lipogramme sans e en vers, bien sûr calqué sur le poème d’Apollinaire, et que nous connaissions déjà avant la publication du roman. Une jolie manière de répondre à ceux qui trouvent que les contraintes oulipiennes sont de vains exercices : la vanité d’une entreprise peut aussi être une autre manière de dire la tragédie.

jeudi 2 janvier 2014

Mon jeune grand-père (21)

Le 3 mars 1917. Ma chère Maman C’est la première fois je crois bien que je tombe sur une carte adressée seulement à mon arrière-grand-mère.
Ma petite boîte est terminée C’est une petite boîte en effet, une jolie petite boîte en bois ornée de motifs sculptés, des rosaces notamment, ou gravés, je n’y connais rien, je n’avais jamais rencontré avant la carte du 26 février ce mot de Kerbschnitt qui apparemment désigne cette technique ; en revanche je connais très bien cette petite boîte, sa taille dans la main, le contact du bois et son vernis assez mat, à moins que ce ne soit la patine du temps : un objet ancien, un souvenir pour nous et un cadeau pour une maman qui ne l’a pas encore, qui sentira le neuf encore quand elle le recevra, alors que son fils ne sera pas près encore de rentrer, quelque chose de lui donc à voir et à toucher comme moi-même je l’ai fait, je le fais parfois à l’occasion en visite chez mes parents, à la différence que pour moi c’était l’œuvre difficilement concevable d’un grand-père abstrait que mon père lui-même n’a pour ainsi dire pas connu et qui en réalité n’a jamais été grand-père et j’ai commencé ton cadre ça ne va pas trop mal et je m’attarde sur ces formules d’atténuation, cette propension à l’euphémisme qui caractérise l’écriture de mon jeune grand-père, c’est bien de l’euphémisme en effet car en réalité « ça » va beaucoup mieux que « pas trop mal », son travail, je n’y connais rien mais je dirais volontiers que c’est de la belle ouvrage et que l’euphémisme ici n’est que modestie comme ailleurs il est là pour rassurer les parents sur la santé. Mais je ne vais pas très vite car je ne travaille qu’une paire d’heures par jour. Comme courrier j’ai reçu les cartes de papa des 15.16.17.19 et 20 et la lettre de maman du 18 févr. Comme paquets postes, ça ne va pas encore très bien. Je n’ai reçu que les n°s 22 et 25 et le colis de pain du 23 février. Jusqu’à présent ça n’a pas d’importance, nous avons ce qu’il nous faut. D a reçu un jambon entier et cela nous fait faire des économies de conserves. Le temps est assez beau en ce moment, il gèle encore un peu la nuit mais dans la journée c’est le dégel et avec lui la boue. Mais maintenant que nos chaussures vont être réparées ça n’a pas d’importance. Hier quelques camarades nous ont quittés pour desserrer un peu le camp. C’est bien « desserrer » qui est écrit. Parmi eux il y avait je n’arrive pas à lire le nom le lt de notre régiment. Je me doute bien ma chère maman des difficultés que tu dois avoir et de tout le mal que tu te donnes pour me faire mes colis et je t’en remercie de tout cœur. Les farines sont très bonnes. D en met dans les potages et ça fait de la bonne soupe. Je ne sais pas si je vous ai accusé réception des pantoufles je ne crois pas mais le 26 janvier elles n’étaient pas encore arrivées, elles vont très bien. Vous n’êtes pas les seuls à ne pas recevoir régulièrement notre correspondance en ce moment. Beaucoup de parents de camarades se plaignent également. Je te quitte ma chère maman en t’embrassant bien bien fort ainsi que mon cher papa, Geneviève et Louis, Madeleine et Jean et toute la famille.
Ton fils qui t’aime de tout son cœur. Edmond

mercredi 1 janvier 2014

tout ce qui pousse

Les enfants, qu’ils soient filles ou garçons, n’ont ni barbe ni poitrine. Il arriverait facilement qu’on les confonde sans quelques artifices vestimentaires ou capillaires. C’est avec la puberté que poussent la poitrine chez les unes et la barbe chez les autres, et qu’ils commencent à surestimer leur dissemblance. Heureusement, avec l’âge et la raison, la poitrine pousse enfin aux hommes tandis que la barbe pousse aux femmes, les rendant de nouveau à peu près interchangeables.
Allez, beaux nénés à tous et que 2014 ne vous soit pas trop rasoir !