mercredi 28 janvier 2015

Veschambre Chantiers



Versailles Chantiers est une gare de l’Ouest parisien où je passe assez souvent, il m’arrive même d’y descendre ou d’y monter. Versailles Chantiers est aussi un livre de Christiane Veschambre qui vient de paraître aux éditions Isabelle Sauvage, un beau livre illustré par des photographies de Juliette Agnel qui vont aussi changer mon regard la prochaine fois que je descendrai à cette gare. Christiane Veschambre est un écrivain dont je n’ai pas lu assez de livres, juste les Mots pauvres paru chez Cheyne en 1996 et la Maison de terre publié par le Préau des collines en 2006.
Nulle fiction dans ces lignes. Christiane Veschambre ne feint pas de raconter une histoire, mais en raconte une quand même, aussi vraie que la gare de Versailles Chantiers existe, qui mêle la grande et la plus petite, ou pour être plus juste l’Histoire partagée et l’histoire personnelle. Une prose juste à la limite des vers (mais des vers tout en retenue et une écriture au couteau) fait passer devant nous les silhouettes de personnages disparus dont on n’a que les prénoms et l’initiale des patronymes, Joséphine T., Robert V. et quelques autres que personnellement je ne peux m’empêcher de voir en noir et blanc comme sur des films de famille en 9,5 mm. C’est que même si je ne l’ai pas lu je sais que Christiane Veschambre est aussi l’auteur d’un autre livre encore intitulé Robert et Joséphine. Et puis je me souviens des dernières pages de la Maison de terre et du coup je restitue les lettres derrière les initiales. Le début de la vie commune et les années de séparation se nouent autour de la gare des Chantiers juste en face du café où Robert travaille, Versailles Chantiers où on l’envoie attendre une collègue inconnue qui deviendra sa femme, histoire personnelle, dont l’Histoire le séparera durant cinq ans – car la première rencontre a lieu en décembre 1938.
Des traverses comme sur les voies du chemin de fer marquent la résidence de Christiane Veschambre – car les écrivains ont parfois des résidences, mais en durée limitée (celle-ci : d’octobre 2011 à mars 2012). Ce sont des choses qu’elle n’avait pas prévu d’écrire mais que la vie lui impose. On ne choisit pas ses sujets.
Les résidences d’écrivain sont l’occasion de chantiers d’écriture. On ne pouvait pas mieux tomber. L’histoire de Versailles Chantiers est aussi l’histoire de ces chantiers enfouis sous la gare et sous les siècles qui nous séparent de la construction du château voisin.
Pour écrire ces lignes je rouvre le livre au hasard et je tombe sur un certain Marcel C., qui de sa fenêtre « peut voir la rue du Gros-Caillou, ainsi nommée parce qu’y travaillèrent ceux qui en taillèrent les pierres. » Christiane Veschambre nomme trois livres écrits par Marcel C. qui avec quelques autres font de lui l’un de mes auteurs contemporains préférés. Celui qui représente l’un de mes pôles d’attraction en matière d’écriture : se débarrasser de tout ce qui n’est pas essentiel. C’est aussi ce vers quoi tend l’écriture de Christiane Veschambre.

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