dimanche 22 février 2015

Un Ka Ta de Céline Minard - et un saule pour pleurer.



NUKI-UCHI



Sous la corolle de l’arbre en pleurs, je dus faire un immense pas en arrière pour esquiver la lame qui devait me trancher au milieu du crâne, un pas rompu très fléchi à l’aplomb de l’agenouillement, un pas dont l’angle réduit par ma jambe droite aussitôt ramenée, dégaina le sabre sur une parabole atteignant la verticale au moment où me frôlait au ventre le sifflement de l’arme adverse.

Je dus lui enchaîner un pas en avant alors que ma main gauche se portait à la poignée de mon sabre brandi au-dessus de ma tête pour l’abattre au front de l’ennemi et lui appliquer à la ligne ce qu’il m’avait réservé, une entaille de partage à l’exacte frontière de ses deux narines.

L’arbre qui nous couvrait avait tenté de nous séparer. Je dus lancer sèchement la lame sur l’horizontale pour en détacher le rameau flexible et collant qui avait un instant occulté mon angle de coupe pendant l’attaque.

Je dus faire un autre pas en avant pour rengainer. Et lorsque la garde de mon sabre rejoignit la gueule du fourreau, je me souvins des vers de Chiyo-ni parmi les tentacules délicats de l’arbre trois fois centenaire, et mes regrets furent liquidés.

Tout en les regardant,

Je les oublie,

Les feuilles du saule pleureur !



Céline Minard, KA TA, Rivages, 2014, emballé par scomparo.



Pour ceux qui ne seraient pas familiers des arts martiaux, disons qu’un kata est (aussi) une histoire. A moins que ce ne soit un poème – car sa forme est fixe. Céline Minard préfère le sabre à la plume, et votre sang sera son encre.

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