mardi 5 mai 2015

Mikki et le village miniature



Mikki et le village miniature est un livre dont le titre annonce franco le sujet, il n’y a pas à tortiller : ça parle de Mikki et du village miniature, et notamment de Mikki et le village miniature, autrement dit des relations qu’il y a ou qu’il n’y a pas entre Mikki et le village miniature.

La relation d’un titre au livre qu’il désigne, c’est intéressant aussi. Certains font mine de s’ignorer, de se tourner carrément le dos. A l’autre bout d’un entre-deux largement majoritaire, d’autres titres surjouent avec leurs livres l’évidente complicité. Ici, par exemple, c’est en effet l’histoire d’un type qui s’appelle Mikki et qui vient d’hériter du pavillon de ses parents récemment disparus dans un accident de téléférique dans la cave duquel (du pavillon, pas du téléférique) il découvre, derrière une porte soigneusement verrouillée, un village miniature, dont les habitants, on l’apprendra très vite, d’ailleurs c’est écrit en 4e de couverture, sont vivants. Et le roman ne parlera que de ça : de Mikki et de son village miniature.

Ou plutôt de Mikki et du village miniature, car il a beau en avoir hérité, ce village miniature n’est clairement pas à lui. Mikki a beau être à sa manière une sorte de grand gros enfant attardé dans le pire sens du terme (il doit glandouiller près de la trentaine) et être affublé d’un sobriquet mignon, et le village miniature a beau quant à lui ressembler au prime abord à un jouet merveilleux, ce n’est pas le sien, et d’ailleurs Mikki n’a jamais aimé les trains miniatures de feu son père, principal suspect de cette invraisemblable réalisation. Et ce village miniature est un drôle de jouet, quand on regarde de près ce qui s’y passe. Et Mikki et le village miniature est un drôle de roman, dont le titre mignon grince joliment à la lecture : non non, ne le rangez pas au rayon des livres pour enfants.

Les habitants de ce village miniature sont aussi des personnages du roman, au même titre que Mikki, et eux n’ont pas du tout le sentiment de faire partie d’un jeu (alors que, quand même…). Il y a un plaisir tout ludique à observer voire à essayer d’interagir, vous verrez bien si c’est possible ou non en lisant, avec ce petit monde, mais si c’est un jeu il est clairement pour adultes avertis. Car les quelques habitants des quatre ou cinq rues (ça fait peu d’habitants mais pas mal de personnages quand même, tous les romans ne sont pas des villages) vivent une vie qui, si elle est miniaturisée d’un strict point de vue dimensionnel, est au contraire assez clairement exagérée dans les horreurs et / ou les absurdités qu’elles nous révèlent. C’est aussi que, par-dessus l’épaule de Mikki, nous devenons nous-mêmes voyeurs – et même carrément équipés d’un endoscope pour mieux pénétrer dans l’intimité de chacun.

Ce village est donc bien une sorte de jeu absurde et cruel dont nous sommes moins les jouets que le Dieu, un Dieu un peu minable qui n’en comprend pas les règles et porteur d’un nom (un surnom plutôt ?) qui n’est pas sans évoquer le prénom infantilisé de l’auteur : on est aussi, à coup sûr, dans une méditation jubilatoire sur la fiction en littérature.

Mikki et le village miniature, de Mika Biermann, est paru récemment aux éditions POL.

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