mardi 15 décembre 2015

Ça ne me plaît pas du tout de ne pas être un vrai tout.



« Ça ne me plaît pas du tout de ne pas être un vrai tout », se plaisait à dire M. dès qu’il vécut ses premières années scolaires, en collectivité, à tous les gamins qui lui ressemblaient (c’est-à-dire tous).
La seule chose qui l’amusait, en dehors d’être triste, c’était de faire le clown et d’inventer des grimaces jusque-là inconnues de tous.
Ce qu’il ne faut pas dire, c’est qu’il naquit en pleine régression à cause de la seconde qui lui a été retirée dès son premier souffle. Et même un peu avant. Car les parois de l’utérus de sa mère n’étaient pas en pierre, elles n’étaient pas même en eau.
Le ventre de la mère est exactement comme le cerveau, il n’est pas un vrai tout, il n’est pas parfaitement rond et surtout, il est poreux, spongieux : il respire un peu du dehors.
A l’école, M. ne travaillait pas bien, juché qu’il était dans ses pensées, toujours en retard d’un temps sur le monde.

Mathieu Brosseau, Data Transport, éditions de l’Ogre, 2015, p. 30


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