vendredi 30 décembre 2016

dans la corbeille (15)

J'ai décidément bien fait de le mettre à la corbeille, ce projet de roman ; il est bien trop « 2016 » dans ce qu'il dit ; jugez plutôt :


En fait le dernier jour de la vie est un jour comme les autres.
A un moment j’ai cru voir arriver un autre moi-même, mais non : c’était Jacky Vadelle, le fils de Carlotta née Vasconcelos et d’un autre moi-même, qui nous ressemble de plus en plus depuis qu’il est vieux lui aussi. Mais il est quand même plus mince.
Les gestionnaires de ce monde ont annoncé à mon fils Orlando la mort d’Angus Vadelle.
Mais ce n’était pas moi. Enfin, c’était moi, bien sûr, mais ce n’était pas moi premier du nom. Impossible de savoir de quel moi-même il s’agissait, l’enquête serait longue et fastidieuse et risquait fort de ne pas aboutir.
Ce qui était quand même très étrange, c’est que je sois mort avant moi. Il me semblait, en toute logique, que je serais le premier de moi-même à mourir. C’est ce que j’avais prévu. Mais il semblerait bien que l’éloignement favorise la mort précoce – à quelques heures près, entendons-nous bien. Or personne n’est plus proche de moi-même que le moi-même que je suis au moment où je parle. C’est sans doute à cela, être moi-même sans être un autre, que je devais d’être encore en vie.
Les gestionnaires de ce monde ont annoncé à mon fils Orlando la mort d’Angus Vadelle.

Une nouvelle fois, plus vite que le temps pour le dire. C’était un autre moi-même encore, bien sûr. Nous allions tous mourir peu ou prou en même temps, tous mes moi-même et moi ; c’était couru d’avance.

mercredi 28 décembre 2016

Magie de Noël

Bon alors Noël, je vous raconte les cadeaux. Comme je prends toujours un peu de temps pour ouvrir les paquets, ça a commencé le 23 décembre avec un très beau billet à propos de Liquide sur le blog Emplumeor, cliquez donc ; ça a continué le 24 décembre avec cet excellent article de Frédéric Lacoste dans le Courrier de Gironde, cette fois à propos de Mémoires des failles, cliquez aussi pour agrandir ;
et enfin le 25, un émouvant petit billet à propos de Pas Liev, sur le blog Touchez mon blog monseigneur, on ne va pas se gêner pour cliquer.
Tout cela étant bien encourageant, Elise et Lise ont décidé de pointer leur joli nez pour la traditionnelle séance de dédicaces des services de presse pendant que Quidam me racontait des blagues.

mardi 27 décembre 2016

dernier éden - mon vieil hublot photographique (3)

Le vivant s'est affirmé comme sujet premier.
Là, c'était le 26 octobre 2009, entre 11h30 et midi, au fond du jardin.








samedi 24 décembre 2016

Un petit poème d'amor, pour Noël.

Je veux ta peau.
Tu veux ma peau.
Il ou elle veut sa peau.
Nous voulons votre peau.
Vous voulez notre peau.
Ils veulent leur peau.


jeudi 22 décembre 2016

noms de couleurs

« Bleu » c'est bien. On sait ce que ça veut dire. Ça ne chipote pas. C'est clair – que ce soit clair, précisément, presque blanc, ou au contraire foncé, presque noir, si c'est bleu c'est bleu. Tout va bien.
« Vert » aussi, d'ailleurs. Très pâle ou très foncé, « vert » reste « vert ».
Mais « rouge », non. « Rouge » très foncé, presque noir, on va avoir du mal à dire que c'est « rouge ». Quand à « rouge » clair, n'en parlons pas ; c'est à peine clair que c'est « rose ». Comme si « rose » n'était pas « rouge ». Pourtant « bleu ciel » est bien « bleu » ; pourquoi donc un « rose » qui serait à « rouge » ce que « bleu ciel » est à « bleu » ne serait-il pas bleu ? Hein ? Pourquoi ? Je vous le demande.
Et « jaune », dans tout ça ? Eh bien « jaune », il n'a droit qu'à une moitié. Jaune très pâle, presque blanc, oui, ça peut encore passer pour du « jaune ». Mais jaune très foncé, presque noir ? Arrivez-vous seulement à voir à quoi ça ressemble, « jaune très foncé presque noir » ? Et pourquoi ça n'existerait pas ? Hein ? Pourquoi ? Je vous le demande.


Ce billet ne parle pas des couleurs. Les couleurs, ce n'est pas le sujet. Il parle du langage.


mercredi 21 décembre 2016

dans la corbeille (15)

Cette corbeille est décidément inépuisable :

 J’ai pleuré parce que j’étais triste à cause de la mort d’Anouchka, et puis je me suis soigné à l’aide de mon appareil à régler les problèmes. Il a fallu que je m’y reprenne à deux fois parce que mon cœur brisé ne voulait pas se recoller.
Quand j’ai été consolé je me suis aperçu qu’il y avait encore une chose qui n’allait pas. Et puis je me suis rendu compte que j’avais peur du noir, comme quand j’étais enfant, à l’époque où j’étais lâche. Alors je suis rentré à la maison.

lundi 19 décembre 2016

mon vieil hublot photographique

Au printemps 2009, je me suis acheté un petit appareil photo numérique. Il me faut toujours un peu de temps. Alors sur mes anciens Hublots, je me suis mis de temps en temps à poster des photos, quand je n'avais rien à dire - ce qui est tout le temps le cas, même quand je fais semblant de ne pas le savoir. Je vais les remettre sur ces Hublots-ci, ça va les ranimer un peu.
J'ai commencé, le 6 mai 2009, par poster ceci :


Puis j'ai posté celle-ci :

Je me souviens que ces deux photos ont été prises à, disons, 300 mètres l'une de l'autre. Guère plus.

mercredi 14 décembre 2016

un fumier ambulant prometteur de cannes tendres

Non, nous n’avons jamais été amazones du roi du Dahomey, ni princes de Ghana avec huit cent chameaux ni docteurs à Tombouctou Askia le Grand étant roi, ni architectes de Djenné, ni Mahdis, ni guerriers. Nous ne sentons pas sous l’aisselle la démangeaison de ceux qui tinrent jadis la lance. Et puisque j’ai juré de ne rien celer de notre histoire (moi qui n’admire rien tant que le mouton broutant son ombre d’après-midi), je veux avouer que nous fûmes de tout temps d’assez piètres laveurs de vaisselle, des cireurs de chaussures sans envergure, mettons les choses au mieux, d’assez consciencieux sorciers et le seul indiscutable record que nous ayons battu est celui d’endurance à la chicotte...
Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ; que les pulsations de l’humanité s’arrêtent aux portes de la nègrerie ; que nous sommes un fumier ambulant hideusement prometteur de cannes tendres et de coton soyeux et l’on nous marquait au fer rouge et nous dormions dans nos excréments et l’on nous vendait sur les places et l’aune de drap anglais et la viande salée d’Irlande coûtaient moins cher que nous, et ce pays était calme, tranquille, disant que l’esprit de Dieu était dans ses actes.


Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal.

vendredi 9 décembre 2016

dans la corbeille (14)

C'est dans la corbeille encore. Ça parle de la mort, tiens.


 Je suis sorti dans le jardin, et là j’ai eu la surprise d’assister à la fin de la mort de Maureen, qui en fait était quand même venue à ma fête et était morte de justesse dans le jardin. Ma femme Joanna s’était évanouie une fois de plus. Du coup j’ai foncé dans le jacuzzi et j’y ai invité la mort, qui était encore là. La mort est venue me rejoindre dans le jacuzzi mais elle ne s’est pas mise en maillot de bain. C’était un peu décevant.
La plupart des invités ont discrètement pris congé, seul est resté mon fils Orlando qui était venu à l’improviste. Joanna qui venait juste de revenir à elle est tombée à nouveau dans les pommes en voyant Orlando discuter avec la mort.
Il a fallu que je me soigne avec mon appareil car la mort de Maureen m’avait quand même fichu un coup.

Le lendemain, comme je ne savais pas quoi faire, je suis allé au gymnase juste à côté de l’école, c’est tout près de chez nous. Tout le monde était bleu. Je me suis dit que je pouvais mourir, à présent. J’ai décidé que la prochaine fois que je mourrais, je resterais mort. J’ai pris cette décision en connaissance de cause : je sais très bien que la mort finit toujours par être irréversible. Il y a un moment où il faut bien que les choses s’arrêtent.

mercredi 7 décembre 2016

copains comme cochons

Entre cochons et hommes il n'y a pas, et il n'y a pas de raisons qu'il y ait, un conflit d'intérêt quelconque. Les luttes et les vicissitudes sont identiques.


George Orwell, La Ferme des Animaux

Afficher l'image d'origine

mardi 6 décembre 2016

lettre fatale

Coco et Coco se balançaient au bord de l’eau. Soudain Coco chut. Comme, piètre nageur, il était sur le point de se noyer, de sa branche Coco perché tendit la main à Coco dans l’eau, qui aspirant une ultime bouffée d’r maladroitement entraîna son copain dans l’eau – et c’est ainsi que Croco croqua Coco.

vendredi 2 décembre 2016

dans la corbeille (13)

Bien sûr pour le moment tout cela est encore dans la corbeille mais il y a peut-être moyen de faire un bon feu avec pour se réchauffer le cœur.


 J’ai fait la connaissance d’une certaine Joanna Vadelle, avec qui semblait-il je n’avais pas de lien de parenté. Et c’est pendant que nous discutions qu’Anouchka est morte. La mort avait beau être ma meilleure amie, je n’ai rien pu y faire. J’ai essayé de la distraire en la soignant avec mon appareil à régler les problèmes, car il n’y a pas de raisons pour que la mort n’ait pas de problèmes ; j’espérais qu’elle viendrait me remercier et oublierait Anouchka. Mais ça n’a pas marché, alors j’ai essayé de me prendre en photo avec la mort et là j’ai vu qu’elle était d’accord ; mais c’est parce que c’était trop tard : Anouchka Vadelle, dont je me rends compte à présent que je n’ai jamais retenu le nom de jeune fille, était morte, et moi j’étais veuf en personne.


Anouchka Vadelle : page 57 - page 128



C’était peu dire cette fois que la mort se rapprochait : nous avons marché l’un derrière l’autre dans le beau jardin des Vadelle anciennement Smith et nous sommes montés au grenier au-dessus du garage. Il y a là-haut un petit balcon avec une vue magnifique car la grande demeure des Vadelle anciennement Smith est sur une hauteur qui domine tout Bellerive. Nous sommes allés sur le balcon et là j’ai pris la mort par l’épaule et de l’autre main j’ai sorti mon smartphone, et c’est comme ça j’ai fait mon selfie avec la mort. Ensuite nous avons discuté un peu. J’espérais lui demander d’emménager, car elle avait sans doute beaucoup de choses à m’apprendre ; mais je n’ai pas trouvé les mots : à la place je lui ai juste demandé ce qu’on racontait sur moi. La mort m’a répondu que ça ne lui faisait pas plaisir de me dire ça mais que j’avais une réputation d’ordure. Mais elle m’aimait bien quand même. C’est vrai aussi qu’elle n’avait pas le choix : c’est moi qui depuis longtemps décide grâce à mon smartphone des sentiments d’autrui à mon égard, et il n’y a pas de raison que la mort échappe à cette règle. J’avais encore bien d’autres questions à lui poser mais elle a soudain disparu dans le noir, car dans l’intervalle la nuit était tombée. Nous aurions bien sûr l’occasion de nous revoir, mais à ce moment-là je craignais bien de ne plus avoir la parole.