vendredi 20 janvier 2017

Moi aussi je voudrais bien un chronomètre.

Mon chef me fait appeler dans son bureau. Il me serre la main en même temps qu'il lâche des ronds de fumée. Les ronds de fumée ont au maximum trois centimètres de diamètre avant qu'ils ne se dissipent. Après avoir écrasé sa cigarette, il dit :
– Je veux avant toute chose te remercier pour ton travail remarquable. Tu fais du très bon boulot. L'entreprise est redevable à des gens comme toi. Mais comme tu le sais, cette usine n'est qu'une partie d'un plus vaste ensemble et c'est pourquoi, dès la semaine prochaine, tu seras affecté au bureau central. Il y a là-bas de nouvelles phases de temps à mesurer. De nouveaux employés à chronométrer et des méthodes de travail à ajuster.
Quand il termine sur le mot ajuster, c'est-à-dire sur ce « é » d'aperture moyenne antérieure, je comprends que j'ai trouvé une place où mon propre cerveau, mon corps autonome et ma pensée auront le champ libre.

Pär Thörn, le Chronométreur, Quidam, 2017, p. 59. Traduit du suédois par Julien Lapeyre de Cabanes.


Le Chronométreur ne pouvait pas s'intituler autrement. Le Chronométreur est le récit de la vie d'un homme qui passe son temps à le mesurer, et qui a le bonheur de trouver un travail à sa mesure. L'histoire d'un homme qui trouve sa place dans le monde, autrement dit. Une chance inespérée, appréciée qui plus est à sa juste valeur par celui à qui elle échoit. Tant de bonheur, je vous dis. Ça fait froid dans le dos.



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