mercredi 17 avril 2024

mardi 16 avril 2024

Albarracin joue à Shifumi

La pierre

émousse

les ciseaux


Dans la neige pourtant

le papier les ciseaux et la pierre

font chose commune





On rate d’un cheveu

parce que précisément

on oublie que le cheveu


est ce avec quoi

on réussirait

à tout lier




C’est extrait du très beau Shifumi de Laurent Albarracin, tout en poèmes de deux tercets, publié aux éditions Pierre Mainard.





lundi 15 avril 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 22

Lorsqu’il retourna chez Brunnen, Messerschmied était sur la défensive. Signerait-il le contrat ? En avait-il seulement encore envie ? Monsieur Witz avait beau déployer toute son amabilité habituelle, Messerschmied ne parvenait pas à se dérider. Son humeur était exécrable. Il se demandait même pourquoi il était venu. La seule réponse à cette question, il la connaissait, il la connaissait bien, il la connaissait trop bien. Il était là pour signer le contrat. Alors il ouvrit sa serviette et sortit le contrat qui, avant même qu’il ne le pose sur le bureau, dans les mains même de Messerschmied, spontanément s’enflamma.

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dimanche 14 avril 2024

Abécédaire du dimanche (guerrier)

Achille bataillant contre des ennemis furieux ! Gilgamesh, Hercule, invincibles jouteurs ! K.O, le Minotaure ! Namor, ô prince qui règne sur tout un vieux waterland ! X-men ! Yvonne Ziegler !


(Abécédaire floral

Abécédaire zoologique)

mercredi 10 avril 2024

Festival du Stylo de Paris

Je serai samedi au Festival du Livre de Paris, sur le stand des éditions DO, en A17, de 15h à 17h, avec mon stylo, ou peut-être sans.



mardi 9 avril 2024

court toujours (254)

Ne me demandez pas le top de mes dix meilleurs livres : j’en ai déjà commis dix-huit et je ne voudrais pas faire de jaloux.


à propos de stylo

Martine Roffinella me fait le plaisir de consacrer un article de son blog Sous le pavé la plume à Sans son stylo / Avec mon stylo et m’a invité à répondre à quelques questions, comme si j’en étais l’auteur, puisqu’il paraît en effet que je le suis. C’est à lire ici.



lundi 8 avril 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 21

Monsieur Witz arborait une mine réjouie, et Messerschmied lui aussi ne pouvait s’empêcher d’arborer la même mine réjouie : ils venaient, tous les deux, dans les locaux de Brunnen, de signer le contrat. Il y avait bien de quoi se réjouir en effet : c’en était fini des imprévus catastrophiques, des contretemps funestes dont la série avait longtemps défié les lois des probabilités. Messerschmied était donc soulagé, et sans doute Monsieur Witz l’était-il aussi. Monsieur Witz eut l’idée d’immortaliser l’événement en photographiant Mersserschmied. Ce serait comme un trophée – telle fut la pensée qui traversa Messerschmied : un trophée. Sur la photo que lui présenta Monsieur Witz, c’étaient des bois de cerf qu’arborait Messerschmied. C’est alors qu’il comprit enfin : on se moquait de lui ; et, de rage, il déchira le contrat qu’il avait eu tant de mal et finalement tant de plaisir à signer.

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dimanche 7 avril 2024

Abécédaire du dimanche (floral)

Ah bouquet coquet d’edelweiss fleuris ! Gros hortensias ! Iris jolis ! Kolkwitzia le magnifique ! Nérines ! Ornithogale pyramidale qui redresse son thyrse ! (Une véronique wallonne xérophile y zwanze.)



(Et l'abécédaire de dimanche dernier.)

mardi 2 avril 2024

Guy Goffette, le nom de l’auteur et moi

Guy Goffette nous a quittés. Je ne l’ai rencontré qu’une fois, il y a dix ans ; nous étions invités (avec Pierre Jourde) à une émission d’Augustin Trapenard sur France Culture où il était question de réécriture. J’avais après l’émission commis le billet qui suit, que j’avais oublié mais qui annonce à sa manière l’effacement du nom de l’auteur de mon récent Stylo.


L’auteur en question (mardi 17 juin 2014)


L’artiste est-il maître de son œuvre ? demandait-on hier matin en philo aux élèves de Terminale scientifique. Nul doute que le Carnet d’or de samedi était à l’origine du sujet. J’y reviens encore une fois à propos de Mariana, Portugaise, le livre de Guy Goffette, réédité lui aussi mais de dix ans plus ancien que le mien puisque paru pour la première fois en 1991 aux éditions Le Temps qu’il fait – saluons au passage le beau travail de cet éditeur.

Un extrait pour commencer :

 

O grand cinéma de la componction.

Petite Marie-Madeleine au bordel battant sa coulpe ô tendre lupin des lupanars baisant de larmes et chaude salive les pieds du christ en bois, répandant l’avaricieux parfum du capitaine Judas, la chevelure de feu épongeant la dalle avant que tombent les douces paroles du pardon, les douze coups de trahison. C’est matines qu’on entend hélas, et c’est le glas dans la vallée, à Mértola ; c’est la relève qui sonne là-bas sur la mer : la Campagne du Portugal s’achève. Au jardin, les oliviers s’éveillent. Vide est le champ du potier, vides les yeux de Mariana, l’encrier vide et l’avenir fermé.

 

Guy GoffetteMariana, Portugaise, Gallimard, p. 52.

 

Ni glose ni paragraphe des Lettres de la religieuse portugaise sommes-nous prévenus, Mariana, Portugaise est une sorte de palimpseste amoureux des lettres de l’amoureuse abandonnée, poème d’amour en prose qui reprend la structure pentagrammatique du best-seller naguère anonyme, dont du coup j’ai voulu relire les cinq lettres : mince, impossible de mettre la main dessus. D’un saut à la librairie j’en fais l’acquisition, sans trop me poser la question de l’édition ; ça sera Garnier-Flammarion. Et là, voici que le nom de Guilleragues (je m’avise à l’instant que je n’avais jamais vraiment pris la peine de le retenir) me saute aux yeux d’une manière désagréable : il est écrit en plus gros caractères que le titre. C’est une chose qui me choque toujours comme une incongruité : rendre le nom de l’auteur plus visible que le titre. C’est d’autant plus frappant quand le nom de l’auteur est bien moins connu que le livre lui-même. J’avais bien senti à ma lecture de Mariana, Portugaise et des commentaires dont Guy Goffette accompagne le texte de sa nouvelle édition que l’attribution tardive (on en parlait encore quand j’étais étudiant) des Lettres portugaises à Guilleragues lui déplaît. J’avais l’impression que pour ma part elle me laissait indifférent. Peut-être pas tant que ça. Enfin, ça n’est peut-être pas tant Guilleragues lui-même ; il faut bien après tout qu’un texte ait un auteur, et l’on sait bien que celui-ci ressemble rarement à la voix qu’il fait résonner dans son œuvre, mais tout de même : lorsque celui-ci a le bon goût de s’effacer lors de la publication – car c’est bien intentionnellement que les Lettres portugaises sont d’abord parues sans nom d’auteur – n’est-ce pas un peu trahir le texte que de lui coller ainsi le nom de ce « courtisan-diplomate gascon », ainsi que le résume Guy Goffette ? On comprend qu’il soit importuné : ce nom de Guilleragues sur la couverture est un inutile tue-l’amour entre Mariana et son lecteur – car Guy Goffette, à n’en pas douter, est amoureux.



lundi 1 avril 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 20

Bien sûr que oui : Messerschmied retourna tout de même chez Brunnen. Messerschmied ne pouvait s’empêcher de retourner chez Brunnen. Il avait peur, et il trouvait cette peur ridicule, car cette peur était ridicule ; tout était ridicule dans cette affaire, alors Messerschmied ne pouvait s’empêcher de retourner chez Brunnen. Il avait surtout peur de la chute d’un corps, bien sûr, car c’est à la mort qu’il avait échappé de peu la dernière fois. Il avait peur de la chute d’un corps mais cette peur était ridicule, aussi la bravait-il. Brave ou bravache, Messerschmied ne se posait pas la question. Il devait surmonter la peur de cette chute d’un corps. Après tout, il avait son chapeau, blagua-t-il intérieurement en sortant de sa voiture, même si celui-ci ne lui aurait été d’aucun secours la dernière fois. Et c’est sur son chapeau cette fois que chut le corps attendu – ce qui ne l’était pas, attendu, c’est que ce corps était celui d’un poisson, un merlan peut-être bien, un merlan frit, tout chaud et encore fumant.

299 ?



dimanche 31 mars 2024

Abécédaire du dimanche (zoologique)

À barricader catégoriquement : douze éléphants furieusement gaffeurs, huit irascibles jaguars kilotonniques lobotomisés, mille najas occasionnellement pacifiques, quarante rhinocéros sourcilleux, treize urubus, vingt wapitis, x yacks zinzins.




samedi 30 mars 2024

En relisant la Métamorphose

Tiens je viens de relire la Métamorphose, forcément. C’est comme la première fois.

En la relisant, je pensais à ce que peut-être, je dois à Kafka, qui n’est peut-être que ce qui m’a toujours fasciné (chez lui notamment, mais ailleurs aussi ; voici que la pensée d’Epépé, de Ferenc Karinthy, me traverse ; il y en aurait d’autres bien sûr) et qui m’a toujours animé à l’instant d’écrire : l’extrême attention portée sur quelque chose, sous un angle bien choisi, avec un verre suffisamment grossissant, pour que tous nous voyons clairement ce qu’il y a à voir.

J’ai déjà relu le Château, le Terrier, le Verdict, la Colonie pénitentiaire… Je crois bien que je vais tout relire.



(Ma métamorphose personnelle)

vendredi 29 mars 2024

court toujours (252)

Il se demandait ce qu’il pouvait bien faire de ce ciel gris. Mais c’était sans doute une mauvaise question.




jeudi 28 mars 2024

Entendre Mémoires des failles

Pour les éditions de l’Attente, un nouveau petit enregistrement de Mémoires des failles, à écouter sur le site de l’éditeur en cliquant ici.


 

mercredi 27 mars 2024

Construction d’un igloo avec Pascale Petit

Pascale Petit sait faire plein de choses et aime à nous en faire profiter. Elle sait même construire un igloo, comme en témoigne son tout nouveau livre paru aux éditions LansKine, inspiré de notre pratique des tutoriels de toute sorte, qu’elle détourne et décale pour votre plaisir et le mien, puisque je vous en lis un extrait, celui qui donne son titre au recueil : Construction d’un igloo.




mardi 26 mars 2024

court toujours (251)

C’est fou le nombre de cookies qu’on te demande d’accepter quand tu surfes sur Internet. Pas étonnant que tu prennes du poids malgré toutes ces heures de sport !




lundi 25 mars 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 19

Il était arrivé. Il avait trouvé une place juste devant les locaux de Brunnen. Il avait fait son créneau, il s’était garé. Il était légèrement en avance, comme d’habitude, alors il prenait son temps ; il restait assis au volant de sa voiture. C’était un coupé sport qu’il venait de s’offrir – Messerschmied avait un faible pour les belles voitures –, et il n’était pas mécontent à l’idée d’entendre les compliments que Monsieur Witz, avec son obséquiosité habituelle, ne manquerait pas de lui faire à l’occasion de cette acquisition. Quant au contrat, eh bien, on verrait bien. La vie ne se résumait pas à signer des contrats. Messerschmied était sur le point de sortir enfin de son véhicule quand il entendit un bruit terrible, un choc énorme au-dessus lui ; un instant il eut l’impression que c’étaient les os de son crâne même qui venaient d’être écrasés par la chute d’un corps, un corps dense et dur. Mais non : ce n’étaient pas les os de son crâne.

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