vendredi 18 août 2017

en attendant la fin de l'été-machine

La rentrée littéraire, c'est sûrement l'occasion de parler de l'Eté-machine de John Crowley, ce roman paru en 1979 et traduit par Rémi Oliska, repris en 2006 par les Moutons électriques et qu'on peut lire aujourd'hui dans la collection Points. C'est un roman post-apocalyptique et merveilleux, qu'on lit comme une formule magique. On y suit Roseau Qui Parle, ce jeune parleur véridique qui veut retrouver les choses perdues après la grande tempête provoquée par les anges, les hommes d'autrefois qui volaient dans d'étranges machines. On n'est jamais sûr de tout comprendre tant l'univers qu'on découvre avec le narrateur nous est étranger – étranger mais pas nécessairement hostile comme le veut une certaine tradition du récit apocalyptique. Il y a au contraire chez tous les personnages, si différents soient-ils, une sorte de bienveillance qui interroge. Roseau Qui Parle est le narrateur, animé à la fois par un amour perdu puis retrouvé puis perdu de nouveau et par une quête qui dépasse et même met en jeu sa simple personne. Le destinataire n'est pas le lecteur mais un ange (au sens que ce mot a dans le roman) ; narrateur et destinataire n'appartenant pas au même monde ont de séculaires raisons de ne se comprendre que par bribes, et c'est aussi la situation dans laquelle se retrouve le lecteur. Du coup, la lecture est très contemplative, et en effet c'est beau. Tiens, j'ouvre le livre au hasard :

« C'est en tout cas par un jour rempli d'odeurs et de petites choses pâles qui éclataient partout dans la forêt qu'avril fit son entrée. Et bien qu'il ait déjà plu à d'autres reprises, la Liste attendit ce jour-là pour sortir ses parapluies.
Je les regardai, de l'autre côté du Mur-Passage, déambuler avec leurs parapluies ouverts, sur la grande place de pierre. Il y en avait avec des pois, d'autres avec ou sans baleines ; certains étaient mal ouverts, d'autres carrément à l'envers. Capuchon était parmi eux, avec un parapluie plus large que tous les autres et une poignée étrangement sculptée. Il me sourit comme s'il pouvait me voir aussi bien que je les voyais. »


Et merci à Hugues Robert de la librairie Charybde de m'avoir mis ce livre entre les mains.

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