lundi 30 janvier 2017

L'âme viendrait.

« Quand s'accroît de tout ce d'isthme en isthme dont l'analphabétisme s'est étréci, comme deux vases communicants. Le roman cent fois plus désuet que la poésie, les poètes s'y engouffrent, se disputent les lecteurs réchappés. »

« Je me suis ameubli. Des fibres humaines ont pris rhizome et quand je tire ne lâchent pas. L'âme viendrait. »

« Des cris coupé le son. Lectures montées aux yeux. »

Christophe Stolowicki, Rhizome, Passages d'encres, 2016.

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dimanche 29 janvier 2017

méthode quoi

Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.
Je suis moi.

samedi 28 janvier 2017

Réjouissons-nous.

Réjouissons-nous que cette épouvantable aubergine toute fripée et blanche de moisissure soit aussi cet appétissant saucisson de Savoie.

mercredi 25 janvier 2017

du kaki sur la langue

On doit choisir des fruits jeunes. Puis décoller d'un couteau le haut en préservant la tige d'où on les laissera pendre. La peau s'ôte pour laisser la chair à nu.

On suspend chaque fruit dehors, sous l'avant-toit de la mansarde, l'un après l'autre. On attend une semaine avant la première caresse : puis un à un masse-t-on ces pâles nourrissons, non en profondeur, mais en toute patience, comme pour ne pas les surprendre dans leur sommeil.

Une nuit passe et un jour avant le deuxième massage. On masse et masse le fruit de long en large, de façon à conserver aux hoshigaki des contours en cœur.

Une nuit et un jour passent, et la caresse recommence : et au fur et à mesure que le fruit dort et sèche, il fonce vers des noirs-marron où, de ci en là, des tons oranges percent comme vivantes des lueurs dedans.

Et puis, remontant à la surface, les sucres, à la crête des rides se creusant de plus en plus, aux confins de ces cœurs suspendus assidûment massés, les sucres ressortent en givres ou légères neiges sur les hauteurs autour des rides.


Alexander Dickow, Rhapsodie curieuse (diospyros kaki), éditions Louise Bottu, 2017, p. 42.



Voilà, j'ai terminé hier la lecture de Rhapsodie curieuse d'Alexander Dickow, écrite dans cette langue délicieuse et légèrement étrange qu'en toute conscience il fait sienne de la nôtre, et je dirais volontiers que je me suis régalé s'il ne restait désormais sur la mienne la persistance du goût imaginaire d'un kaki, japonais de préférence – et avec ce manque l'assurance qu'il me reste tant de choses à savourer ; on n'est pas là d'être rassasié de fruits, de vie et de poésie.

lundi 23 janvier 2017

Les primaires : un officieux vote contre

L'autre fois je parlais de l'officialisation d'un vote contre, rappelez-vous. Un avant-premier tour contre, avant un vrai premier tour pour. On va bien y venir : on y est déjà officieusement. Les primaires, c'est bien à ça que sert : à éliminer Sarkozy, à éliminer Valls. A quoi d'autre, franchement ? Là où on a un peu de peine pour eux, c'est quand on pense qu'il n'y a pas de primaires au FN – ouvertes à tous évidemment. Je suis bien certain que Germain Pilchard (qu'il me pardonne s'il existe) que les opposants à l'extrême-droite auraient choisi comme pied de biche, aurait sans la moindre difficulté battu la Marine prétendument nationale – et le FN pourrait quand même se targuer d'avoir un taux de participation à ses primaires qui ridiculiserait les autres partis. Tout le monde serait content, quoi.
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dimanche 22 janvier 2017

art arbre brut ut

L'arbre ut
n'est qu'un arbre
alors il ne connaît pas les arts
et même de la musique
du vent dans ses branches
il ne connaît qu'une seule note
mais quand même

il en a la clé.


vendredi 20 janvier 2017

Moi aussi je voudrais bien un chronomètre.

Mon chef me fait appeler dans son bureau. Il me serre la main en même temps qu'il lâche des ronds de fumée. Les ronds de fumée ont au maximum trois centimètres de diamètre avant qu'ils ne se dissipent. Après avoir écrasé sa cigarette, il dit :
– Je veux avant toute chose te remercier pour ton travail remarquable. Tu fais du très bon boulot. L'entreprise est redevable à des gens comme toi. Mais comme tu le sais, cette usine n'est qu'une partie d'un plus vaste ensemble et c'est pourquoi, dès la semaine prochaine, tu seras affecté au bureau central. Il y a là-bas de nouvelles phases de temps à mesurer. De nouveaux employés à chronométrer et des méthodes de travail à ajuster.
Quand il termine sur le mot ajuster, c'est-à-dire sur ce « é » d'aperture moyenne antérieure, je comprends que j'ai trouvé une place où mon propre cerveau, mon corps autonome et ma pensée auront le champ libre.

Pär Thörn, le Chronométreur, Quidam, 2017, p. 59. Traduit du suédois par Julien Lapeyre de Cabanes.


Le Chronométreur ne pouvait pas s'intituler autrement. Le Chronométreur est le récit de la vie d'un homme qui passe son temps à le mesurer, et qui a le bonheur de trouver un travail à sa mesure. L'histoire d'un homme qui trouve sa place dans le monde, autrement dit. Une chance inespérée, appréciée qui plus est à sa juste valeur par celui à qui elle échoit. Tant de bonheur, je vous dis. Ça fait froid dans le dos.



mercredi 18 janvier 2017

tombe

les feuilles mortes
la pluie
la nuit
et avec elle parfois la chaleur du jour
la neige
et souvent les cheveux avant même d'en avoir la blancheur
les dents, qui l'avaient et ne l'ont plus
les seins
les fesses
le cœur dans la poitrine
la foudre

et les mots dans l'oreille d'un sourd quoi qu'il en dise

vendredi 13 janvier 2017

noms de couleur, suite

L'autre jour je parlais de noms de couleur, rappelez-vous. Je disais en substance qu'entre rose et rouge il y a moins de différence qu'entre bleu ciel et bleu marine et que pourtant bleu ciel et bleu marine sont bien bleu pour tout le monde alors qu'allez dire que telle robe rose est rouge, vous verrez – et vous voyez bien.
Et puis il y a les couleurs qui n'ont pas de nom. Elles n'ont tellement pas de nom qu'elles manquaient cruellement autrefois dans les boîtes de crayon de couleur pour colorier la peau humaine. Pourtant on avait bien besoin, et souvent, de colorier la peau humaine. Mais le crayon manquait, comme manquait le nom de la couleur.
Souvent les gens pensent que les gens ne sont pas tous de la même couleur. Ils le pensent tellement qu'ils disent même qu'il y a des peaux « blanches » et des peaux « noires », même s'ils n'y croient pas vraiment. Et des degrés intermédiaires qu'on aime à désigner par des mélanges – un peu de lait dans votre café ?
Mais c'est une illusion. Les gens sont tous de la même couleur. Les outils informatiques à cet égard sont pratiques. Prenez une couleur de peau humaine, n'importe laquelle. Vous pouvez la rendre plus claire, la rendre plus foncée ; ça reste une couleur de peau humaine. Ça reste la même couleur. Comme bleu : bleu ciel, bleu marine ; c'est bleu.

mercredi 11 janvier 2017

Conseils à un jeune écrivain

Écris sur des coquilles d'œufs avec une massue trempée dans l'eau claire.
Ou bien écris sur l'acier mais avec une ficelle de coton trempée dans l'eau claire.
Ou encore si tu y tiens écris au stylo-plume directement sur la surface de l'eau claire.


dimanche 8 janvier 2017

compter jusqu'à 10

Je suis tagué ! C'est sur Facebook mais il n'y a pas de raison pour les raisonnables réfractaires à ce réseau social n'en profitent pas. On veut me faire avouer la liste des dix livres qui m'ont le plus marqué. Eh bien comme je ne suis pas du genre à me dégonfler, je ne me dégonfle pas, et je réponds, même, et même dans un ordre sensiblement chronologique.

  1. De Enid Blyton, j'ai oublié le titre de cet album de Oui-Oui lu à la maternelle où Oui-Oui monte en voiture au sommet d'une montagne sans s'apercevoir qu'un fil de son pull s'est accroché et que tout son pull est en train de se détricoter. Un vrai cauchemar. Car Oui-Oui sans son pull est-il encore Oui-Oui ?
  2. D'Edmond Hamilton, Ville sous globe. Mon premier roman non spécifiquement jeunesse. Je devais avoir sept ans et je voyais ma grande sœur le lire. Je ne comprenais pas pourquoi pas moi, et j'ai réussi à vaincre les réticences paternelles. Je me rappelle très bien qu'en le lisant, je continuais à me demander pourquoi j'aurais été trop petit pour le lire.
  3. De Daniel Defoe, Robinson Crusoë. Mon premier classique, vers huit ans, c'est le premier roman anglais. Jamais relu. Pourtant je revois les sauvages prêts à tuer celui qui deviendra Vendredi. J'y étais.
  4. De Stan Lee et compagnie, Strange. J'avais 9, 10, 11 ans à l'époque où à chaque début de moi j'achetais ce comics et il y avait les X-men, Daredevil, Iron Man et l'Homme-Araignée. Dans cet ordre-là. Ça posait la question de l'identité, déjà. Ça ne m'a plus quitté.
  5. De Jack London, Croc-Blanc. J'avais 9 ou 10 ans. Etre un animal. Etre sauvage. Vivre dans la forêt. Et cette question, mine de rien, de l'adaptation de l'être au monde.
  6. De Samuel Beckett, Malone meurt, vers 18 ans. L'auteur qui m'a coupé la parole.
  7. De Flaubert, Bouvard et Pécuchet, vers 18 ans. Mon premier Flaubert, qui reste peut-être mon préféré. Parce que c'est comme ça, la vie. Bouvard et Pécuchet, c'est moi.
  8. De Gérard de Nerval, Aurélia, les Chimères..., vers 19 ans. Ça pouvait s'apprendre par cœur. Ça disait des choses qu'on n'avait pas besoin de comprendre pour les comprendre.
  9. De Coleridge, The Rhyme of the ancient Mariner, Kubla Khan..., vers 21 ans. Ça s'apprenait par cœur aussi. Et puis on pouvait le traduire en français. On pouvait même passer de la métrique anglaise à la française. C'était écrire aussi.
  10. Les Absences du Capitaine Cook, de Chevillard, à 38 ans. J'ai juré intérieurement quand j'ai lu la première page, debout dans la librairie. Et j'ai recommencé à lire de la littérature, après huit ans d'abstinence involontaire.


Dix, c'est très clairement pas assez. Manquent Kafka, Michaux, Proust, Borges, Homère, d'Aubigné, Volodine et pas mal d'autres. Mais c'est le jeu.

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lundi 2 janvier 2017

dans la corbeille (16)

Je devrais commencer à faire la promotion du roman qui paraîtra en février prochain, ce serait bien plus malin que de ressortir de la corbeille ces fragments d'un roman avorté et franchement déprimant.



 Pendant que je recevais ce message, Rainer Kowling, un colporteur de rumeurs professionnel venu tout exprès pour colporter des rumeurs sur ma fête, est mort en plein travail. Je l’avais déjà vu une fois dans le hall du Manoir à la page 86 mais sans être moi-même premier du nom : c’était peu de temps avant mon mariage avec Prudence.
Pour voir, j’ai essayé de soigner Rainer de sa mort à l’aide de mon appareil à régler les problèmes. Le problème, c’est que la mort n’en est pas un, alors on ne peut pas la soigner.
Ensuite c’est un de mes moi-même qui est mort, puis un autre encore. J’ai regretté de ne pas être dans le jacuzzi, parce que j’aurais pu inviter la mort à m’y rejoindre : j’avais bien envie de la voir en maillot de bain.
C’était l’heure d’aller à la soirée d’Eliott, alors j’ai laissé tous les moi-même survivants à la maison et je suis parti. C’est peut-être pour ça qu’un de mes autres moi-même a trouvé ma fête complètement ratée. Mais d’autres se sont bien amusés.
Les gestionnaires de ce monde m’ont annoncé la mort d’Anita Vadelle, née Vasconcelos, qui ne s’est jamais appelée Antonia.


Anita Vadelle : page 65 - page 138


Les gestionnaires de ce monde m’ont annoncé la mort de Brian Foster-Rhodes, le fils que j’avais eu avec Abigail, dont la conversation était terriblement ennuyeuse et la couleur ennuyeusement humaine.


Brian Foster-Rhodes : page 47 - page 138


Je suis arrivé chez Eliott. J’y suis allé à pied car c’est tout près de chez nous : il habite toujours l’ancienne maison des sœurs Homeside. Il y avait là pas mal de monde, bien sûr, mais au moment où l’un des moi-même présents s’apprêtait à me draguer, car ni l’âge ni le sexe ne nous arrête, nous autres moi-même, je suis mort. Pourtant il n’était que 21 h 08. Et – c’était plus vexant encore – Jebidiah Maryland était là, bien vivant encore, à quatre mètres de moi tout au plus.
Tout le monde est venu assister à ma mort. Tout le monde, c’est-à-dire un autre moi-même – finalement il n’y en avait qu’un – Edmund Milosevic, le fils que j’avais eu d’Aminata à la page 62, Nadia Vadelle – la petite Nadia que j’avais eue avec Anouchka à une époque où je n’étais pas moi-même et qui était vieille à présent –, Jebidiah Maryland et enfin Clotilde et Mareva Vadelle, qu’on ne me demande pas qui sont ces jouvencelles bleues : je n’en savais rien.
Pendant que je mourais, j’ai quand même reçu un avis un peu tardif des gestionnaires de ce monde disant que ma fête était géniale et que décidément je savais m’amuser.

Et puis j’ai fini de mourir et la mort est allée faire des grimaces à Clotilde, ce qui l’a bien fait rire. En revanche Clotilde n’a pas apprécié quand la mort s’est permis de critiquer sa maison.