mardi 30 juin 2009

en attendant de faire le tour (du propriétaire)

TABLE
 
INTRODUCTION - page 9
 
ANSELME FILOSELLE - page 15
TOME I
ŒUVRES SCIENTIFIQUES
MON ŒUF - page 27
TOME II
ŒUVRES AUTOBIOGRAPHIQUES
QUEL ROMAN QUE MA VIE - page 33
TOME III
ŒUVRES ROMANESQUES(ÉBAUCHES)
DESTINS DE FEU, roman fleuve en douze volumes - page 37
L’ŒIL ÉTAIT DANS LA BONDE - page 39
VIE SECRÈTE DE MANFRED VON FANFULLA,
GOUROU DES NÉO-ANDROMÉDIENS - page 43
LA GRANDE GUIVRE - page 49
FERNAND ET LÉON, roman du terroir - page 53
LES O’MALLEY, saga irlandaise
Chapitre I : Les couleurs de la passion - page 85
 
TO­ME IV
POÉSIES COMPLÈTES
POÈMES ANGLAIS - page 93
POÈMES A LA PRESSION - page 97
POÉSIE LÉGÈRE - page 105
 
TOME V
ŒUVRES PORNOGRAPHIQUES
ARIELLE, BENOÎT, TRISTAN ET LES AUTRES - page 109
 
NOTE - page 115
 
 
Telle est la table des matières de l’Œuvre du propriétaire, publié sous la direction de Pierre-Maurice Jourde-Roughol.
Ça ressemble à une pochade de brillant potache – c’en est une aussi ; mais pas seulement. J’ai du mal à m’empêcher d’y voir, traitée sur le mode rigolard parce que quand même, un avatar de la tentation de tout écrire – après tout, dans la Littérature à l’estomac aussi (dont on retrouve par-ci par-là la trace), il y a une ambition panoramique. (Faut-il préciser que la « tentation de tout écrire », je la trouve – la trouverais plutôt, au conditionnel à cause du même « quand même » – d’abord chez… moi ; et qu’évidemment, comme elle est un peu grosse pour ma paresse, je la partage volontiers avec qui veut ?)
J’avais parlé de Pierre Jourde comme d’un auteur à l’œuvre disparate (ou plutôt, j’étais heureux de trouver en Pierre Jourde un auteur à l’œuvre disparate), et je retrouve cette disparate à l’œuvre à l’intérieur même de cette Œuvre du propriétaire, réduite à l’échelle – vraiment réduite – d’un livre délibérément minuscule pour mieux contraster avec son prétendu contenu universel, image iconique et ironique de l’œuvre réelle de l’auteur : mon chien ne dédaignerait pas le manuscrit sur escalope de veau des œuvres du Propriétaire, cet auteur atteint d’un probable crétinisme alpin – dirait Josette Savorgnat, l’une des héroïnes de l’appareil de notes très fourni – fourni en bas de page par ce Pierre-Maurice Jourde-Roughol ; lequel, comme l’auteur presque homonyme de Pays perdu, pratique à l’occasion le « roman du terroir », si l’on en croit Fernand et Léon (j’aime beaucoup Fernand et Léon, et même Fernand et Léon) ; et fournit même à son double, avec la Vie secrète de Manfred Von Fanfulla, gourou des Néo-Andromédiens, l’embryon de ce qui deviendra la Cantatrice avariée.
Bien sûr c’est le versant farceur de l’auteur que l’on retrouve ici : naturellement la dérision naît de l’hiatus entre le désir d’être total et la conscience de son inanité. N’empêche, l’Œuvre du propriétaire éclaire probablement l’ensemble de l’œuvre : celle d’un auteur disparate qui écrit sur la disparition. (D’un coup je retourne aux quatrièmes de couverture, qu’en général je ne lis pas : « "C’est un pays perdu" dit-on : pas d’expression plus juste. » (Pays perdu) ; « Toute magie en avait radicalement disparu. » (L’heure et l’ombre) ; « La secte qui l’occupe y périclite depuis la disparition de son gourou. » (La cantatrice avariée)…)
 
L’Œuvre du propriétaire, de Pierre Jourde, est parue en 2006 chez L’Archange Minotaure.



Commentaires

Pardonnez cette vulgarité : 46€ j'ai hésité. Ou plutôt je n'ai pas hésité, pourtant hésitant de nature. J'allais ressortir bredouille lorsque j'aperçois Le terrier de Kafka dans la collection Carnets à L'Herne. Ce texte me paraît être son chef d'œuvre, au moins un de ses textes le plus "moderne", le plus serein, le mieux maîtrisé. Ma question est, la mémoire me faisant défaut : est-ce un inédit? est-ce un classique que dans mon ignorance j'aurais laissé passer?
(Et n'ayez crainte, je reste sagement dans mon jardin.)
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 04/07/2009 à 12h23
Un inédit... Qui suis-je? Et que devient un ignorant qui perd la mémoire?!
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 04/07/2009 à 16h00
Cher Depluloin, pardonnez-moi de ne pas bien vous comprendre ? 46 euros ? De quoi s'agit-il ? Et quel texte est inédit ? (En tout cas j'ai aussi une grande passion pour le Terrier, qui remonte à loin.)
Commentaire n°3 posté par PhA le 05/07/2009 à 00h59
Pardon, je n'ai pas été très clair. Non, c'est L'œuvre du propiétaire qui vaut 46 euro. Quant au Terrier, j'ai cru un bon moment à un inédit, ce qui était ridicule bien sûr. (Mais j'ai ce fantasme persistant de découvrir sur la table d'un libraire un inédit de Beckett, Pinget, Simon, et de bien d'autres. Je suis un optimiste - dans le fond.)
Commentaire n°4 posté par Depluloin le 05/07/2009 à 01h13
46 euros ? l'oeuvre du propriétaire ? C'est que vous êtes tombé, si j'en crois l'introduction, sur un exemplaire (probablement unique) de "l'édition princeps en quinze volumes des Extraits (Marolles en Hurepoix, Editions du Gland, 1984-1992)" dont la présente édition ne représente que "la version abrégée, à l'usage de l'amateur cultivé et désargenté" (que nous sommes) : celle-là ne coûte que 14,50 euros. En tout cas ruez-vous derechef chez ce précieux libraire : 46 euros pour une oeuvre de cette ampleur, déboulant impromptue dans notre réalité, c'est donné !
Commentaire n°5 posté par PhA le 05/07/2009 à 10h00
En effet, c'est étrange. Mon libraire aura mal lu (sic). Mais je me rue, je me rue!
(Et pour information, je viens de décerner le grand prix de La Plage Intelligente à Codicille de G. Genette.)
Commentaire n°6 posté par Depluloin le 05/07/2009 à 11h44
A 46 euros, il s'agit de Œuvres peu complètes/ en 3 volumes, soit un vol. de trois cents et quelques pages.
Voilà, je ne vous ennuie plus.
Commentaire n°7 posté par Depluloin le 05/07/2009 à 18h53
Vous ne m'ennuyez pas du tout, vous m'instruisez au contraire : la publication de ces Oeuvres peu complètes m'avait échappé.
Commentaire n°8 posté par PhA le 05/07/2009 à 19h30
Non, non, merci à vous (assaut des politesses). Nous avons les mêmes sources - Amazon - mais je n'ai que rarement le réflexe de l'utiliser. Et ce côté "farceur" de Jourde me rappelle Pierre Bettencourt qui m'avait fait l'amitié de me montrer ces raretés que sont ses livres "surréalistes", imprimés par lui-même, dans lesquels la forme, l'objet livre, comptaient au moins autant que le contenu.
Commentaire n°9 posté par Depluloin le 06/07/2009 à 12h54
Eh bien c'est encore une occasion de remerciement que cette piste de lecture que - honte à moi - je n'ai pas encore explorée !
Commentaire n°10 posté par PhA le 06/07/2009 à 13h44
Cher bon et franc CfA, aurais-je rêvé ou bien le Maître vous a-t-il généreusement qualifié de bon lecteur?
Peu importe. Vous me connaissez, autodidacte de formation, je n'entends rien à la critique mais je viens encore vous remercier. Je lis en ce moment Paradis noirs de ce même Maître. En fait de critique littéraire, mon juge de paix doit trancher cette question : est-ce que ça me tombe des mains, oui ou non? Eh bien non. Puisque je n'ai pas d'autres moyens à ma disposition, je dirai que j'y ai retrouvé la virtuoisité d'un Claude Simon à manier les temps, les souvenirs, ce qui a été ou non, ce qui n'a pas été mais si peu si loin si confus.
Je m'en tiens là, à part ceci : ce petit gars gagnerait beaucoup à être édité à la Pléiade parce que, à part Gallimard, merci pour le parcours du combattant.
(Et je tiens à votre disposition Les œuvres peu complètes pour la modique somme de 120€.)
Mais une chose entraînant l'autre, je veux vous lire. Conseillez-moi, ignorant que je suis.
Commentaire n°11 posté par Depluloin le 05/08/2009 à 23h33
Et je ne suis pas bien sûr moi-même d'être un si bon lecteur - bien heureux toutefois d'avoir contribué à votre propre plaisir. Concernant l'oeuvre bien moins considérable dont je ne me sens moi-même qu'assez peu le propriétaire ; à vous, cher Depluloin, puisque vous me faites la bonté de vouloir me lire, ce serait bien le prochain que je serais tenté de conseiller - mais pour celui-là il faudra attendre un an au moins. En attendant, comme tous les papas-gâteaux, j'ai un faible pour mon petit dernier, dont je n'ai pu m'empêcher d'afficher la photo.
Commentaire n°12 posté par PhA le 06/08/2009 à 11h17

samedi 27 juin 2009

la maison est trop grande pour passer par la porte

Quelquefois, on cherche des yeux son appareil, quand un téléphone sonne à la télévision.
 
Duralex est plus gros, vu au fond d’un verre d’eau.
 
Tant qu’on dort sur un matelas posé à même le sol, on ne perçoit pas l’utilité de la table de chevet.
 
Pendant une période assez courte, les enfants ont les poignées de porte à la hauteur de la tête.
 
 
Nathalie Quintane, Remarques, II « Maison », Cheyne, 1997 p. 25.
 
 
Suffirait-il que le plancher rejoigne le plafond pour qu’il n’y ait rien ?
 
Il est difficile de juger, tant qu’on est dans la pièce, si le plafond est bien parallèle au plancher.
 
La maison est trop grande pour passer par la porte.
 
Hormis le lustre, tout est assez loin du plafond.
 
Idem, p. 31.


Commentaires

"La maison est trop grande pour passer par la porte". Excellent !
(Arrête avec Quintane, je ne l'ai pas encore acheté et là ça me fait rager !)
Commentaire n°1 posté par Loïs de Murphy le 27/06/2009 à 23h35
Et ce n'était que son premier...
Commentaire n°2 posté par PhA le 27/06/2009 à 23h44
 

mercredi 24 juin 2009

le livre ne sera jamais le livre

Il y a bien longtemps que j’ai senti pour la première fois que le livre ne serait jamais le livre – à cette conscience l’incompétence reconnue de la très jeune écriture a été d’une aide non négligeable –, mais plutôt (sans bien avoir alors les mots pour le dire) le moyen de figurer ce qu’il devrait être (et en disant cela encore je ne suis pas sûr encore de dire ce que je voudrais dire). C’est pour cela sans doute que par la suite la lecture encore adolescente des romans de Beckett, de Malone meurt d’abord puis davantage encore de L’Innommable m’a laissé de si durables traces (cet empêchement dont je me suis sorti comme j’ai pu). C’est pour cela qu’une lecture comme celle d’En attendant Esclarmonde, de Danielle Mémoire (que je découvre seulement maintenant, avec la gaucherie de celui qui vient d’attraper le train en marche), résonne par instant d’une façon si singulière.
  
 
Tu sais quoi ? Je me demande si, dans un autre ordre et avec d’autres phrases, je ne suis pas en train de recommencer la version précédente, qui s’est cassé les dents.
Non, je ne peux pas dire « la version précédente, celle qui s’est cassé les dents » : il y a eu plusieurs ver­sions ; toutes se sont cassé les dents.
Si je m’étais rendu compte que j’aurais plusieurs fois à faire allusion à cette version, ou à celles qui la précèdent, j’aurais fait usage d’une autre formule que « se casser les dents ». Je ne me serais pas mise en position d’avoir à traîner si longtemps avec moi les dents cassées de mes versions.
 
p. 36-37
 
Si je demande à l’écriture de produire (de reproduire) quelque chose que je me représente assez exactement, alors cela arrive.
L’écriture est inexacte ; la langue l’est.
L’écriture est la langue vue.
L’écriture, la langue, est inapte à reproduire exactement ce que l’on se représente.
L’écriture (la langue) est indépendante : elle produit pour elle-même.
Tout au plus peut-on attendre d’elle qu’elle se maintienne dans la bonne direction, dans le bon registre, et qu’elle ait la bonne couleur.
L’écriture (la langue) ne donne que le genre.
Tu vois le genre.
Vous voyez le genre ?
L’écriture (la langue) dans son autonomie débouche sur un grand nombre de culs-de-sac.
 
Oui, l’écriture dit quelque chose ; oui, la langue ; et oui, la parole. Il est vain de croire que ce qu’elles vont dire sera justement ce qu’on a voulu leur faire dire.
 
Avec une pareille expérience, on est plus ou moins condamné au constructivisme.
 
On est plus ou moins condamné à la fiction, si l’on a souci de la vérité.
 
p. 59-60
 
Ce qu’Esclarmonde ne peut jamais finir de dire, ce à quoi, jamais, elle ne peut finir d’objecter, un auteur, appelé à s’évanouir après peu de pages, n’en dit que le commencement, comme étant, de lui, toute la vérité ; un second poursuit, et c’est toute la sienne, puis il s’évanouit; une objection qui se pré­sente est la vérité d’un troisième ; une objection à l’objection, la vérité d’un quatrième…
 
Danielle Mémoire, En attendant Esclarmonde, POL, 2009, p. 148.

Commentaires

et me voilà tentée d'endosser le rôle de lectrice encore plus tardive
Commentaire n°1 posté par brigetoun le 25/06/2009 à 04h13
Heureusement pour lire il n'est jamais trop tard...
Commentaire n°2 posté par PhA le 25/06/2009 à 07h52
 

mardi 23 juin 2009

c’était à suivre…

Quand j’écris « à suivre » en bas d’un billet, souvent d’abord j’écris A suivre, puis je me ravise, et j’encadre la formule magique des deux indispensables parenthèses : (A suivre). Didier récemment listait ses souvenirs de BD, moi-même il y a peu j’évoquais Muñoz et Sampayo ; tout ça me rappelle que oui, il faut que je dise un mot d’(A suivre).

Cette revue, je l’ai découverte à la fin des années soixante-dix, pendant l’adolescence ; elle-même n’était pas bien vieille. C’était mon grand frère qui l’achetait et qui avait la bonne idée de me faire partager ses goûts. On lisait (A suivre) d’abord pour Hugo Pratt, Tardi, Forest ; c’était l’époque de Corto Maltese en Sibérie, Ici Même, La Jonque fantôme vue de l’orchestre (ôtez-moi d’un doute : j’ai l’impression que cet album merveilleux, dû à la plume – ou plutôt au pinceau – de Jean-Claude Forest est un peu méconnu) et puis, comme un mois c’était long avant d’avoir la suite, on lisait aussi le reste. (Bon, c’est vrai : je ne crachais pas non plus sur les créatures de Manara, dont j’appréciais aussi à l’époque les récits spéculatifs – qui passent moins bien toutefois aujourd’hui pour le lecteur que je suis devenu.) Le noir et blanc plus noir que blanc du Bar à Joe m’effrayait et m’attirait à la fois (d’autres aussi en gardent le souvenir), mais j’ai bien fini par en pousser la porte et plus de vingt ans après j’étais encore dans les bars ; la dernière fois que j’ai rencontré Alack Sinner il venait d’être grand-père, et je me suis rendu compte que j’avais à présent l’âge qu’il avait lors de nos premières rencontres. Les nez en spirale ou en éclair d’Altan, je les trouvais bien un peu bizarres aussi au début, mais les petites bêtes qui grouillaient sur les personnages étaient si séduisantes, et la coiffure irréprochable d’Ada, dans la jungle comme à Macao, et les bandes-son et les commentaires décalés sous les vignette ! C’est dans (A suivre) aussi (ou dans Pilote, ou dans les deux en même temps que j’ai connu Régis Franc – mais pour le coup j’avais peut-être un faible pour celui de Pilote, et pour le Café de la plage). Je devrais en citer encore beaucoup d’autres mais vous savez comme je suis paresseux, après ça va m’en faire trop à relire alors je parlerai de Francis Masse et de ses Deux du balcon ; je crois bien que c’est là-dedans que j’ai entendu parler de Steven Jay Gould et de la néoténie pour la première fois – dont il reste des traces dans Par temps clair –, c’était de l’humour scientifique, quoi (je n’ai pas dit de l’humour de scientifique) ; mais ça rêvait beaucoup aussi. Et à propos de rêves, ou plutôt de cauchemars, le mot de la fin ce sera pour Imagex. Imagex, je n’ai jamais su si c’était un homme ou une femme qui signait comme ça ; j’ai souvent pensé que c’était une femme. Dans quelques numéros d’(A suivre) (qui pour le coup ne se suivaient pas), il y a une histoire étrange (achevée ? je ne m’en souviens pas), Colonie de vacances, racontée par une petite fille, dans son journal intime plein de fautes. La colonie est au bord de la mer. Il y a deux garçons de son âge avec elle. Les autres enfants, les monos, tout le monde a disparu. Disparu il y a tellement longtemps que les enfants depuis le temps auraient dû grandir. Au lieu de grandir, une queue leur pousse, et ils apprennent à voler. Sauf un des garçons, mais lui il peut faire tomber les avions de guerre qui passent dans le ciel.
Je sais qu’Imagex a publié sous ce nom un autre album, Mauvais rêves, chez Artefact (je le sais parce que je l’ai). Mais je ne sais rien de plus.
(A suivre) s’est arrêté en décembre 1997, je crois. C’est ma faute : ça faisait une dizaine d’années que j’avais perdu l’habitude de l’acheter.

entre vous et moi il y a ce texte

Je ne vais pas assez vite. Parlant de vous, je m’éloigne. Je dis « mon âme », je m’éloigne. Le livre interrompu nous sépare. « A vous continûment adressé » cependant, je le continue. Je l’avais repris. Je disais qu’il nous rate. Et, parce qu’entre vous et moi il y a ce texte, je ne vous rejoins pas, mon âme. Alors que je ne vous aurai pas rejoint, il y aura eu ce texte entre vous et moi. Supposons-le.
 
Anne Parian, Une Ligne, Eric Pesty éditeur, 2008.
 
C’est en bas d’une page gauche. Les pages de gauche ne commencent qu'en bas. Les pages de droite, entières, sont en vers. C’est grâce à l’initiative de Frédéric Forte que j’ai découvert cette belle collection agrafée d’Eric Pesty, et acquis notamment cette ligne, qui me touche.
La lecture de Nathalie Quintane sur Sitaudis, et celle d’Anne Malaprade sur Poézibao


Commentaires

"il y aura eu texte entre vous et moi" : quelle profondeur, quelle étendue !.... Peut-on envisager plus belle supposition ?
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 23/06/2010 à 18h28
Mince, j'ai fait une faute, et c'est grâce à vous que je la vois : c'est bien ce texte - même si ça marche ausi sans ce (pourtant mon extrait n'est pas bien long !). Mais oui, le texte qui relie et qui sépare - et tout naturellement nous parle d'amour.
Réponse de PhA le 23/06/2010 à 18h47
Ce texte qui fait miroir, qui fait barrière.
Commentaire n°2 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 23/06/2010 à 19h21
Les éditions Cent pages proposent également des originalités de mise en page, assez agréables je dois dire.
Commentaire n°3 posté par Anna de Sandre le 23/06/2010 à 19h42
Cent pages, il y a longtemps longtemps que j'ai envie de regarder.
La mise en page, dans ce cas précis, est le fait de l'auteur, je pense. N'empêche que cette collection est vraiment très belle.
Réponse de PhA le 23/06/2010 à 20h26
Ah non ! N'en rajoutez pas à mes remords! Toutes ces pages que je pourrai tenir entre mes mains, j'ai les mains dans une autre farine. Je ne devrais pas vous rendre visite. Je ne sais pas résister. La forme ronde des hublots sans doute.
Commentaire n°4 posté par Zoë le 23/06/2010 à 22h15
N'ayez pas peur ; des pages, il n'y en a pas beaucoup, d'où les agrafes. (Ne résistez pas : moi grand hypnotiseur. Lisez, je le veux.)
Réponse de PhA le 23/06/2010 à 22h29

mardi 16 juin 2009

des nouvelles de Monsieur Jones

On était sans nouvelles de Monsieur Jones depuis sa fameuse chute au fond d’un trou – de mémoire. Par malice, j’ai ouvert la trappe sous les semelles de mes élèves de troisième, qui ont su retrouver sa trace. Monsieur Jones s’est fait refiler des souvenirs de contrebande par un indélicat : le voici coincé tantôt dans le 
désert du Kalahari (à moins que ce ne soit celui d’Acatama ?), tantôt en croisière sous les tropiques. Mais alors vraiment coincé, sur cette croisière ; mes élèves (qui, cette fois encore, sont aussi ceux d’Alexandre ; merci à lui) n’en démordent pas. On sait pourtant comment trop souvent les choses se gâtent :
 

 …Mon souvenir était prometteur ; il ne se pas­sait pas un instant sans que j’en découvre les délices : là, moi qui n’avais jamais su jouer d’un seul instrument – du moins était-ce mon impression –, j’excellais au piano et à la contrebasse. Là, moi qui n’avais jamais su danser (encore une fois, c'était une impression), je faisais virevolter mes partenaires. De la même façon, je parlais au moins dix langues 
(l’américain, l’espagnol, le chinois et s’il le fallait je pouvais aussi parler bambara, cajun, fang, quecchua, biélorusse, japonais et alsacien). De la même façon, je battais tout le monde au ping-pong. Au tennis. Au golf. Au crawl. Au whist. Au nain jaune. À la tequila. (Succession d’images de monsieur Jones en tennisman, en joueur de ping-pong, en maillot de bain…)
 
Image suivant : monsieur Jones au micro.
…Chaque soir, en compagnie des musiciens du Old Angel, je finissais la soirée sur l’air de Where Are You Going to, my Pretty Girl ?.
Nouvelles images de la mer et passage à nouveau – rapide  des  images précédentes.
…Chaque matin, j’évoquais la beauté des hibis­cus et des étoiles de mer…
Dans mon souvenir, j'étais beau et plein d'hu­mour, intelligent et adaptable.
 
Mêmes images – avec des détails changés (à la façon du « jeu des sept erreurs ») ou des pans entiers qui manquent.
…Seulement, dès le quatrième jour, les choses commençaient à tourner mal.
Je me mettais à dire des choses incompréhen­sibles : je posais des questions en ouolof ou en tagalog et répondais en songhay-zarma.
J’étais incapable de jouer Where Are You Going to, my Pretty Girl ? (je chantais à tue-tête Frère Jacques).
Je ne savais plus danser, même les slows.
…J’envoyais toutes les balles de golf à la mer.
Je mettais des tee-shirts fluo et des pantalons trop larges de joueur de hockey.
Je fumais les pailles, tenais les menus à l’envers, mangeais tous les desserts.
Bref, à chaque instant, le pire était à craindre si bien que le lendemain de ce quatrième jour, je décidai de ne plus sortir de ma cabine, ou seule­ment le soir, pour une promenade solitaire sur le pont, pleine d’amertume et de mélancolie, quand j’étais sûr de ne croiser personne.
  

Pascale Petit, Monsieur Jones, scène 7.
 
Il y a de l’espoir cependant : vous avez vu cette jeune fille qui traverse en tricycle le désert du Kalahari (à moins que ce ne soit celui d’Acatama ?), à côté des trois bédouins et des deux pères Noël ? Attendez qu’elle s’endorme et mes élèves sauront souffler à Monsieur Jones les mots qu’il faut – en présence même de l’auteur ils ont su oser. Oui, il y a de l’espoir pour Monsieur Jones !

lundi 15 juin 2009

Tom Premier existe

Tom Premier existe : mes élèves de 6e l’ont rencontré. Aujourd’hui, ils ont même rencontré son auteur, Pascale Petit, à qui ils ont pu apporter quelques preuves de son existence :
– des clichés (dont certains en trois dimensions) de Tom Premier et de la reine Eléonore sautant sur le lit trampoline (si vous voulez savoir ce qu’ils se disent, c’est ici) :



– des plans des inventions du roi (pour ceux qui n’auraient pas tout suivi, sachez que ce roi inventeur est aussi celui qui règne dans Manière d’entrer dans un cercle & d’en sortir) :

 
– et même quelques inventions déjà réalisées, parmi lesquelles on reconnaîtra l’échelle intelligente et la patinette pliable à douze roues avec pare-brise très avancé pour voir avant tout le monde (à côté du yo-yo géant) :




Merci à mes collègues d’arts plastiques Séverine et Alexandre sans qui cette invasion de l’imaginaire dans notre quotidien n’aurait pas été possible.

Et non seulement Tom Premier existe, mais il parle



Commentaires

Oui - ils m'ont apporté quelques preuves - de mon existence
Commentaire n°1 posté par tor-ups le 16/06/2009 à 10h09
Les croquis techniques, avec leur fond sépia, sont très séduisants.
(De loin, comme ça, on est entre Vinci, Beuys et Filliou...)
Commentaire n°2 posté par François Matton le 16/06/2009 à 12h06
@ Tor-Ups : Ouf !
@ François : N'est-ce pas ? (Je transmettrai aux intéressés, les informant de qui ça vient ; ils seront fiers comme des paons !) Il y avait encore bien d'autres merveilles, mais certaines passent mal en photo.
Commentaire n°3 posté par PhA le 16/06/2009 à 12h56
mes élèves étaient moins intéressants , moins intéressés , bien moins !
plus vieux , trop  vieux déjà ?
bien à vous !
à souvent !
Commentaire n°4 posté par Cactus le 16/06/2009 à 14h21
J'ai de la chance : j'en ai de plus vieux qui ne sont pas mal non plus (j'en parlerai demain). (Je suis tombé chez vous tout à l'heure, impossible de poster un commentaire - à propos de votre remake sur la plage de la scène 1 de l'acte V d'Hamlet : "Alas ! poor Yorick !")
Commentaire n°5 posté par PhA le 16/06/2009 à 14h37
oui j'ai vu !  à souvent !
Commentaire n°6 posté par Cactus le 16/06/2009 à 15h01
j'ai mis les liens de vous pour nous et vous :-)
Commentaire n°7 posté par Cactus le 16/06/2009 à 15h04

mardi 9 juin 2009

l’ombre de sa parole

  
En repensant à ce café sans tasse – juste épisodique dans le livre mais quand même – de la promesse terminée il y a déjà quelques jours (la forme brève va bien à Mingarelli ; au fond, des sept livres que j’ai lus de lui, ce sont peut-être les trois nouvelles d’Océan Pacifique qui m’ont le plus touché), je me suis rendu compte qu’il faisait écho (ce café), par-dessus un Atlantique de plus de vingt-cinq ans (autant dire dans un autre monde), à une tarte aux pommes. C’était celle d’Alack Sinner, le héros noir et blanc de José Muñoz et Carlos Sampayo, héros en l’occurrence d’une histoire de blancs et de noirs qui dans les pages d’(A suivre) faisait les délices de mes même pas vingt ans.

 Alack Sinner, c’était un détective privé new-yorkais bien sûr ; et ses histoires, c’étaient des histoires de privé au sens où les histoires de Mingarelli sont des histoires de marins, pas davantage. (Il y avait aussi, chez Muñoz et Sampayo, une dimension politique dont je ne parle pas aujourd’hui juste parce qu’elle n’a pas de rapport avec ma tarte aux pommes.) Rencontres, c’était le titre de cet opus-là, dont la tarte aux pommes était le bel explicit. On voyait même, sur le mur d’Alack, l’ombre de sa parole. Qu’est-ce que j’ai pu aimer ce livre – avant même qu’il en soit un !

lundi 8 juin 2009

jardiner chez la voisine

Aujourd’hui, il a plu toute la journée, et il pleut encore. Impossible de jardiner ! (Bon, en fait, c’est vrai, s’il avait fait beau, je n’aurais guère pu davantage.) Alors j’ai envoyé un rêve de moi-même en tenue de jardinier travailler chez ma voisine ; malgré le ciel brisé du roi, on ne s’y mouille pas : la pluie y est suspendue.


Commentaires

mais ton merle noir, ce serait pas plutôt un cygne noir ?
Commentaire n°1 posté par tor-ups le 09/06/2009 à 09h40
Alors c'est qu'au pays du Roi, de la Reine et du Coiffeur, les cygnes noirs font leur nid à la cime des arbres.
Commentaire n°2 posté par PhA le 09/06/2009 à 10h14
Votre petit lopin de terre dans ce jardin partagé a belle allure. Ca donne envie de semer quelque chose soi aussi. A bientôt
Commentaire n°3 posté par cecile portier le 11/06/2009 à 09h45
 

jeudi 4 juin 2009

je t’offre du café


Puis, alors qu’il passait près d’une barque, l’homme assis à bord releva la tête. Puis, de la main, il lui fit signe d’approcher. Fedia garda les avirons suspendus en l’air et attendit. « Autant se faire engueuler de loin », songeait-il. Il essaya de voir, dans l’obscurité, s’il avait brisé une ligne, si quelque chose flottait à la surface de l’eau à cause de lui.
– Viens jusqu’ici, lui dit l’homme à voix basse.
– Quoi ? demanda Fedia. Qu’est-ce que tu veux ?
– Viens me donner du feu, s’il te plaît. Tu fumais tout à l’heure, je t’ai vu.
Fedia manœuvra avec un seul aviron pour virer et se dirigea vers la barque. L’homme se leva pour l’attendre et, lorsque le bateau fut tout près, il attrapa la proue et l’amena bord à bord avec la barque. L’homme, qui avait une sorte de capuche en laine sur la tête, l’ôta et dit :
– Je ne peux pas me faire mon café, j’ai fait tomber mes allumettes dans l’eau.
Il montra la boîte et les allumettes posées sur le banc.
– J’en ai dans une bouteille, du café, si tu veux, dit Fedia. Il est chaud.
– Le mien est prêt, j’ai juste à allumer le réchaud.
Au fond de la barque, il y avait une caisse en bois. Un réchaud à alcool y était posé et, dessus, il y avait une cafetière noircie, avec une poignée en bois brûlée par les flammes. Fedia lui tendit son briquet et l’homme alluma le réchaud. Les flammes montaient jusqu’à la poignée de la cafetière. L’homme rendit le briquet à Fedia et dit :
– Amarre-toi, attends une minute, je t’offre du café.
 
Hubert Mingarelli, La promesse, Seuil, 2009, p.12-13.

Voilà : c’est sûrement à cause de son café que j’aime Mingarelli – ou plutôt, bien sûr, à cause de sa manière de l’offrir. « Je t’offre du café », le choix du verbe, par l’autre, le pêcheur dont on craignait l’engueulade, qui ose la fierté de mettre « je » devant ce verbe trop gros pour sa bouche. Sans être allé plus loin, je me dis que ce café-là, Fedia aimera y repenser, plus tard, parce que ce sera un bon souvenir. Et comme Fedia est  le héros d’un livre de Mingarelli, c’est forcément un gars qui connaît le prix du bonheur, et qui aura à cœur d’en garder la trace dans sa mémoire.
La trace, parfois, ça s’appelle l’écriture, même quand on ne sait pas écrire (souvenir de Quatre soldats).
Celui qui, en moi, aime Mingarelli, n’est sûrement pas le même que celui, que ceux qui aiment (au choix, un nom ou l’autre, par le hublot droit – qui est à gauche). On est tellement de lecteurs.




Commentaires

Tu me le mettras de côté quand tu l'auras fini (j'aimerais le lire car moi aussi, je suis multiple, et Mingarelli ne m'a jamais déçue) ?
Commentaire n°1 posté par Pascale le 04/06/2009 à 23h41
Je te le garde au chaud, dans le thermos de Fedia.
Commentaire n°2 posté par PhA le 05/06/2009 à 07h38
(mais dans la vie - tu aimes le café ?)
Commentaire n°3 posté par pascale le 05/06/2009 à 08h40
dans la vie, j'aime (presque) tous les liquides (mais je le reconnais : c'est vrai que j'ai un côté cup of tea, le petit doigt en l'air - et que je ne crache pas dans le gorgeon non plus)
Commentaire n°4 posté par PhA le 05/06/2009 à 10h35
Une invitation qui ne se refuse pas !
Commentaire n°5 posté par pascale le 05/06/2009 à 11h53
Et soyons fous : on pourrait même inviter des personnes qui ne s'appellent pas Pascale !
Commentaire n°6 posté par PhA le 05/06/2009 à 15h41
Encore un qui m'a échappé : je note.
Commentaire n°7 posté par Loïs de Murphy le 07/06/2009 à 22h54